Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier - Partie 1

Lyon, l'enfance...


BERTRAND TAVERNIER est né au milieu de la seconde guerre mondiale, à Lyon, le 19 mai 1941. Ses parents et lui quitteront la ville lorsqu'il aura 5 ans, mais il reviendra souvent car ses deux grands-mères y habitaient. Lyon représente quelque chose d'important pour lui, non seulement parce que c'est son lieu de naissance mais aussi parce qu'il se sent parfaitement à l'aise dans cette ville mystérieuse, pleine de secrets, qu'il qualifie lui-même de "simenonienne"... Elle sera d'ailleurs le théâtre de certains de ses films, notamment son premier long métrage, "L'Horloger de Saint-Paul", dans lequel il s'efforcera de détruire certains des clichés que l'on attribue à Lyon.

Ce qui le rattache à cette ville, ce sont aussi de nombreux souvenirs... Ses toutes premières impressions sous le bruit des bombes, la lueur des fusées éclairantes, l'entrée dans la ville des troupes américaines. C'est aussi sa maison natale où son père, qui à l'époque dirigeait la revue Confluences, avait abrité Louis Aragon et Elsa Triolet pendant la guerre...

Bertrand Tavernier est issu d'une famille plutôt artiste. Son père fut directeur d'une revue littéraire, sa grand-mère pianiste et traductrice (elle fut d'ailleurs récompensée par le prix Alperine Kamensky). Lui-même, curieux dès son plus jeune âge, apprend à lire grâce aux poèmes de Victor Hugo. Hugo est d'ailleurs un auteur qui le marquera beaucoup, notamment parce que ses profs le lui interdisaient... Puis viendront aussi Balzac, Zola, Dumas avec lesquels il aura envie d'explorer l'Histoire.

Et le collège ? Tavernier dit vouloir tirer un trait sur cette période de sa vie car elle est trop liée à des sentiments d'humiliation, au sadisme des profs de gym. Événements dont il dit se venger dans "Coup de Torchon". À cette même époque trouble, un de ses très bons amis meurt de leucémie très jeune.

Le cinéma et rien d'autre !


Bertrand Tavernier commence son apprentissage cinématographique lors de son séjour en sanatorium où il doit prendre du "bon air", affligé alors d'une primo-infection. Mais sa passion débute réellement vers l'âge de 12-13 ans face à des films comme "C'est donc ton frère" avec Laurel et Hardy, "Gun Ho !" de Ray Enright et "Retour aux Philippines". Bientôt il colle des photos de films, avec les génériques, sur un cahier. À la sortie du collège, il passe devant les studios Obligado et Napoléon, où se jouent tous les films qu'il rêve de voir, et il y contemple les affiches.



Le réveil de la Sorcière Rouge

"Le réveil..." un des films qui
marqueront Tavernier enfant...

Au début, ce sont les titres qui l'attirent : "Les Aventures du Capitaine Wyatt", "Le Réveil de la sorcière rouge", "Les Naufrageurs des mers du Sud". Il se rendra compte, quelques années plus tard, en discutant avec Alain Resnais, qu'ils fréquentaient dans les mêmes cinémas de quartier, dont la plupart sont devenus des cinémas pornos. Dans les films qu'il aime, il note bientôt la présence récurrente de certains acteurs  : Gary Cooper, John Wayne. Puis il repère rapidement les metteurs en scène, et un premier nom s'impose, William Wellman pour "Aventure dans le Grand Nord". Suivra John Ford.

En classe de philo du lycée Henri-IV, il trouve en son voisin de banc un ami aussi cinéphile que lui : Volker Schlondorff (devenu le parrain de son fils). C'est avec lui qu'il commet son premier acte cinéphilique, en fréquentant la cinémathèque de la rue d'Ulm et son triple programme assez traumatisant : "L'Espoir", "Los Olvidados" et "L'Ange Bleu"...

C'est d'ailleurs à cette cinémathèque de la rue d'Ulm, où Volker Schlondorff réussit à se faire engager comme traducteur de films allemands, qu'il passera le plus clair de son temps, négligeant ses études de droit. À la fin de l'année, il remettra d'ailleurs copie blanche... N'étant pas tout à fait d'accord sur l'orientation voulue par ses parents, il se met à écrire des analyses de films dans Radio-Cinéma (qui deviendra plus tard Télérama) où il est payé huit mille francs par fiche. C'est à cette même époque que, événement important, Tavernier fonde un ciné-club avec 3 copains, le Nickel-Odéon. Ils s'y intéressent en premier lieu au cinéma américain (voir l'entrevue B.T. à Lumière) et leurs présidents d'honneur sont King Vidor et Delmer Daves. Pour la première séance ils présentent "Tous en scène" et ont la surprise de voir Minnelli en personne se présenter... Ils se mettent ensuite à fouiller les caves des compagnies pour y dénicher des films mis au rebut, rachètant parfois des copies pour les sauver de la destruction.


Première expérience de tournage puis Tavernier devient attaché de presse et critique...


Par la suite, c'est sa rencontre avec Jean-Pierre Melville. Après être allé l'interviewer pour une revue de cinéma qu'il avait fondée (L'Étrave, un journal d'étudiants), il devient son assistant sur "Léon Morin prêtre". Ce film et cette première expérience resteront un mauvais souvenir, il fut alors un très mauvais assistant, apeuré et paniqué par les colères terribles de Jean-Pierre Melville.



Les Contrebandiers de Moonfleet

"Moonfleet" un film à ne pas
suggérer à Melville...

Anecdote : pendant le tournage, Tavernier suggère à Melville d'aller voir "Les Contrebandiers de Moonfleet" ; celui-ci déteste le film et demande à toute l'équipe de ne plus parler à Tavernier pendant trois jours, par mesure de punition...

Mais Melville devient toute de même un ami, il se rend même avec Claude Sautet chez les parents de Tavernier pour leur demander de le laisser continuer à "faire du cinéma". Puis il recommande Tavernier à Georges de Beauregard, producteur de "Léon Morin prêtre", pour qu'il devienne son attaché de presse. Ce nouvel emploi permet à Tavernier d'explorer les "dessous" du cinéma en rencontrant les financiers, les techniciens, les critiques, ainsi que les nombreux réalisateurs de la Nouvelle Vague que Beauregard produit à l'époque...

Il reste au coté de Beauregard de 1961 à 1964 et devient attaché de presse indépendant avec Pierre Rissient. Pendant ce temps, il s'implique de plus en plus dans la critique et, fait rare, il écrit dans les deux revues soeurs ennemies de l'époque : Les Cahiers du Cinéma et Positif... Son travail d'attaché de presse lui permet bientôt de rencontrer quelques-uns de ses maîtres, dont Raoul Walsh, Joseph Losey, John Huston, John Ford (il passera une semaine avec John Ford). Tous ces entretiens ont été compilés en 1993 dans son livre "Amis Américains". Mais notons que si l'essentiel du travail de Tavernier s'est effectué à l'époque sur le cinéma américain il s'est aussi beaucoup intéressé aux films soviétiques, italiens, français, ainsi qu'aux cinéastes du tiers-monde.

Simon Galiero

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