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Tous en scène

de Vincente Minnelli
1953 - 1h51 - USA ("The Band wagon")
avec : Fred Astaire (Tony Hunter), Cyd Charisse (Gabrielle Gerard), Oscar Levant (Lester Marton), Nanette Fabray (Lily Marton), Jack Buchanan
scénario : Betty Comden, Adolph Green
musique : Arthur Schwartz (chansons), Howard Dietz (lyrics)
producteur : Arthur Freed pour la MGM

Vincent Fournols, 23 février 1998 :

VOICI pour moi la meilleure comédie musicale des années 50, mieux que "Singin' in the rain", que le même Arthur Freed avait produit l'année précédente. La première raison en est que les couleurs des copies vidéo de cette dernière sont passées, alors que celle du Minnelli sont bien plus "Technicolor" ! Passons.

La deuxième raison, plus astérixienne, est que "The Band Wagon" est relativement moins connu et qu'on le subit donc moins que "Chantons...", son inévitable scie de la chanson éponyme, accompagnée de ses sempiternelles mêmes images de Gene Kelly béat de bonheur sous son crachin tropical. Passons encore.

Les points communs ne manquent pas entre les deux films : outre la production, les chorégraphies ou les styles de décors, les similitudes de constructions sont nombreuses : le grand numéro final "Broadway melody" / "Girl hunt", les scènes chantées "Make'em laugh" / "That's entertainment", la structure 3 hommes-2 femmes, l'échec d'une production et la façon de la relancer, etc.


Film sur la nécessité de se
renouveller, c'est aussi la plus
parfaite réalisation des canons
de la comédie musicale.



Mais, par rapport à une certaine gentillesse mièvre, même si souvent authentiquement comique de "Singin' in the rain", les traits sont beaucoup plus mordants dans "The Band Wagon", les situations plus crédiblement conflictuelles, et prennent plus d'une inspiration dans la réalité. Le film débute par un Fred Astaire incarnant Tony Hunter, un danseur en voie de has-been, qui prend la chose avec une élégante amertume, puis arrive un couple d'amis scénaristes, vivante représentation des vrais scénaristes du film, Betty Comden et Adolph Green. Plus tard, Tony Hunter acceptera mal d'avoir pour partenaire Gabrielle Gerard/Cyd Charisse, une danseuse plus grande que lui, manie bien réelle de Fred Astaire. "The Band Wagon" est par ailleurs le titre rééel d'un show qu'Astaire et sa soeur interprètèrent en 1931.

Globalement, si le film joue tout autant des artifices et des conventions (un show résumé à l'écran par un numéro ; une totale absence de prise en compte de la logistique ; les interprétations légèrement sur-jouées, Charisse exceptée), les situations, les psychologies et les conflits sont ici plus fouillés.

Film sur la nécessité de se renouveller, "The Band Wagon" est donc aussi paradoxalement la plus parfaite réalisation des canons de la comédie musicale selon Freed : comédie musicale basée sur la production d'une comédie musicale, petit groupe de personnages principaux, période de conflit, happy end, etc.

La construction de la présentation du deuxième spectacle est également à ce titre d'une fluidité exemplaire : le spectacle est en tournée de rodage, et les morceaux qui le constituent sont successivement montrés, entrecoupés de vues de train avec un nom de ville en surimpression.

Et puis une comédie musicale de la MGM ne serait rien sans les ballets et les chansons. "The Band Wagon" contient quelques superbes réussites du genre : mes préférées sont l'initial "by myself", l'increvable "a shine on my shoe" (Hunter/Astaire "danse" avec les machines d'une arcade de jeux), le légendaire "triplets/trio laid" (Astaire, Fabray et Buchanan personnifient des bébé triplés qui se détestent allègrement), et bien sûr l'hymne du film : "that's entertainment", que la légende dit avoir été composé en une demie heure et qui est l'hymne justifié de toute la production musicale d'Hollywood : "the world is a stage, and the stage is a world of entertainment/le monde est une scène, la scène est un monde de spectacles").

Enfin, last but not least, si je n'avais qu'un unique extrait de danse à emporter sur une île déserte, il n'y aurait aucune hésitation à choisir le pas de deux dans le parc entre Astaire et Charisse. Et heureusement, les mots manquent pour en en décrire la magie...

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