Gordon Hessler - Partie 2

Début des années 70 : les producteurs s'en mêlent


COMME je le précisais dans la page précédente, entre parenthèses, il semblerait que dans la plupart des interviews et pseudo-filmographies que l'on peut trouver sur Hessler, 4 films lui sont attribués pour les années 1969/1970. Entre "Scream and Scream Again" et "Cry of the Banshee" on lui attribue souvent la réalisation de "The Last Shot You Hear". Ce rarissime film serait un thriller tourné en noir et blanc, dont on ne sait pas grand chose. Ses deux films suivants "Cry of the Banshee" et "Murder in the rue Morgue", moins originaux, n'en sont pas moins de grande qualité, Hessler refusant de considérer le film fantastique comme un produit d'exploitation, mais comme une oeuvre à part entière. Mais les producteurs d'A.I.P. ne voyant dans la production de films d'épouvante que le rapport coût/recette ne laissèrent plus à Hessler la même liberté que pour les films précédent (au moins pour "Scream and Scream Again").



Cry of the Banshee, photo

...l'histoire de
la druidesse Oona...

Pourtant la troisième collaboration Hessler/Wicking/Price pour "Cry of the Banshee" semblait prometteuse, le film raconte l'histoire de la druidesse Oona (Elisabeth Bergner) qui envoie un démon loup-garou (en fait, un charmant jeune homme) terroriser et tuer la famille de Lord Whitman (Vincent Price). Plutôt que de laisser les deux compères modifier le script à leur guise, A.I.P leur demanda ne ne toucher à aucune ligne, Hessler fera de son mieux avec un script qu'il considérait comme bateau. Le film est intéressant sans plus, le montage et la narration beaucoup trop sages ne ressemblent pas à du Hessler, on peut raisonnablement penser (ce qu'il confirme à demi mot dans ses interviews) que l'A.I.P a usé du final cut. Par ailleurs, Hessler attribuait à Les Baxter (auteur de la musique) une grande importance dans le résultat final, mais quand le film sorti, il fut amputé de la plus grande partie de cette partition, Hessler admet que le résultat est loin d'être à la hauteur de ses espérances. On notera, parmis les petites anecdotes qui régalent généralement le cinévore que je suis, l'absence au générique d'un personnage qui joue pourtant un petit rôle dans le film, plus que ça d'ailleurs, puisque il est généralement admis qu'il en a aussi conçu le générique, dommage pour la promo du film qu'il ne soit pas crédité puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, du seul Monty Python américain Terry Gilliam.

Déjà la fin de "l'âge d'or" d'Hessler


Pour "Murder in the Rue Morgue", tourné en 1970/1971, la main mise d'A.I.P fut encore plut lourde. C'est le quatrième film à traiter cette histoire (après les versions de 1914, 1932 par Robert Florey avec Bela Lugosi, et "Phantom of the Rue Morgue" de 1954), Jason Robards remplace Vincent Price, mais Wickings reste fidèle au poste. Hessler propose une première version au montage éclaté, utilisant de nombreuses séquences de flash-back, de nombreuses scènes de rêve. Le rythme, d'après ceux qui ont pu voir cette première version, était échevelé, loin des autres adaptations de Poe, et de Rue Morgue en particulier. Trop original pour le circuit d'exploitation de ce genre de film, le montage fut entièrement refait par les producteurs, le résultat et amusant (façon de parler) puisqu'on ne comprends plus rien à l'histoire. Croyant simplifier le film, Louis M. Heyward l'a rendu complètement opaque, et assez inintéressant. Le film a été tourné en Espagne et c'est Herbert Lom (ancien fantôme de l'opéra chez Terence Fisher) qui reprend le rôle du méchant, Adolfo Celli incarnant l'inspecteur Vidocq.


...Variety disait n'importe quoi...

Curieusement, on lui attribue la réalisation, en 1972 (voire 1973), de "House of Dracula's Daughter", il déclare de jamais eu avoir à faire avec ce film et que Variety disait n'importe quoi. Effectivement, ce film a été sorti de ces filmographies (rares) les plus récentes (bien qu'il soit toujours présent sur l'IMDb). Gordon Hessler se retrouve, cette même année, à la tête d'une production de type série B de luxe "Embassy" (joyeusement retitré en français "Baraka à Beyrouth", histoire d'attirer tout les fans de romans de gare). Je parlais de série B de "luxe", puisqu'on retrouve des nom comme Raoul Coutard à la photographie, que le film est produit par Mel Ferrer, et que le casting aligne des noms comme Max von Sydow, Marie-José Nat, Ray Milland, Chuck Connors, Broderick Crawford, ce qui n'est pas rien. Je n'ai pas vu ce film et les renseignements éventuels (résumés ou critiques) sont plus que rares.



The Golden Voyage of Sinbad

...Affiche française de
"The Golden Voyage..."

The Golden Voyage of Sinbad, photo

Une créature du maître
Ray Harryhausen

En 1972/1973 il est appelé par Ray Harryhausen pour "The Golden Voyage of Sinbad" : Un générique de folie pour les amateurs de films psychotroniques(tm), il est produit par Charles H. Schneer et Ray Harryhausen, qui, bien sur, signe les effets spéciaux (encore une fois, les effets spéciaux de Harryhausen sont de véritables oeuvres d'art, au service de l'imaginaire, et rarement pour avoir l'air "vraies"), il demande à Miklos Rozsa de composer la musique (en passant, réécoutez sa partition pour "The Power" de Byron Haskin, ou mieux, revoyez le film), et enfin, fait confiance à Brian Clemens (réalisateur du grandissime "Captain Kronos contre les vampires" et concepteur de nombreux épisodes de la série "The Avengers", c'est à dire Chapeau melon et bottes de cuir). Le sujet original, réécrit par Clemens, est signé Ray Harryhausen, ce dernier a tout fait pour qu'il puisse intégrer au film ces dernières créations en matière de Stop-Motion. Il est vrai qu'un public adulte risque de souffrir de quelques naïvetés, voire de quelques mièvrerie dans le scénario, ce film s'adresse plutôt aux grands enfants, à ceux qui sont capables de reconnecter quelques parties oubliées de leur cerveau dont ils ne se sont pas servis depuis longtemps (attention, j'ai pas dit de le laisser au vestiaire). Néanmoins, on peut y trouver aussi, en cherchant bien, tout ce qui fait le charme de ce genre de film, dans le mélange des religions d'abord, l'Islam, les divinités indiennes, la mythologie grecque, et des pratiques occultes plus occidentales y font bon (ou moins bon) ménage, on notera que l'Islam sort grand vainqueur. Avec un tel bazar (tout à fait voulu par Harryhausen) il peut se permettre de délirer un peu avec ses créatures, les magnifiques homoncules (petites créatures créées à partir d'une racine de mandragore), la déesse Sivaà six bras qui se bat aussi bien que Kali, un centaure matiné de cyclope (un centaure à un oeil quoi), une sirène, etc. Un défaut classique et pénible de ce genre de film, c'est le gag post final, les gentils ont gagné, tout le monde il est content, alors là, soit on a droit à l'amourette gentil/gentille (voir l'épisode réalisé par Nathan Juran), soit, c'est le cas ici, le bouffon de service sort un bon gros gag généralement pas drôle et tout les héros se mettent à rire (comme dans les séries TV les plus atroces, ou les meilleures, "Police Squad" avec Leslie Nielsen où ce gimmick devient un gag génial), ce genre de scène donne une bonne idée de la naïveté du scénario. Cette naïveté a été imposée par les producteurs de la Columbia, qui confondent trop souvent "public familial" et "public décérébré".



Caroline Munro dans Golden Voyage of Sinbad

Une tenue adaptée pour...
"l'aventure"

Mais bon, on a l'habitude, c'est dans la lignée des autres Sinbad, de l'héroic fantasy dénuée de tout l'érotisme (quoique, la tenue de Caroline Munro, hmmmm) des 1001 nuits. À propos de ce film, Hessler déclarait n'avoir eu aucune difficulté dans ses relations avec Harryhausen (qu'il qualifie d' extrêmement sympathique), il faut dire qu'Harryhausen avait insisté pour que Hessler réalise le film, connaissant ses capacités à donner un aspect adulte à un film à partir d'un scénario enfantin. Malheureusement malgré les entrées d'Harryhausen dans la production (il est coproducteur du film), ils ne purent toucher à aucune ligne du scénario, la Columbia après avoir jeté un oeil sur les autres films d'Hessler, menaçant de couper les vivres à la moindre réécriture. Donc, malgré un scénario désuet et linéaire (dixit Hessler), malgré un John Philip Law assez mou et à la barbe trop bien taillée (John Philip Law, celui qui gachait déjà "Le baron rouge" de Corman), le film fit un carton au Box office, ce qui entraîna la ressorti du premier Sinbad, et la mise en chantier d'un troisième épisode (Sinbad et l'oeil du tigre) pour lequel Hessler ne sera pas demandé, déjà pressenti pour d'autres projets.

Kronos

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