Gordon Hessler - Partie 1

GORDON HESSLER n'est certainement pas un génie, et il est peu connu (la preuve, j'ai pas de photos :), mais quelques uns de ces films forcent le respect, il est dommage que de courageux producteurs n'aient pas profité des talents entrevus dans "Scream and Scream Again", mais la mode des films d'épouvante façon Hammer touchait à sa fin, et Hessler en a certainement été l'une des principales victimes, pourtant il avait su s'adapter à l'époque, ses films sont plus violents, plus satiriques. Faisons ensemble un modeste retour sur sa carrière.

Gordon Hessler est né en 1941 à Berlin il est Danois par son père, il reçoit une éducation anglaise et il démarre sa carrière aux Etats-Unis, dés 1958, en tournant de nombreux documentaires, il travaille ensuite avec Hitchcock sur sa série télé (les fameux "Alfred Hitchcock présente"). Des producteurs de la FOX trouvant son travail intéressant lui proposent un marché, s'il trouve un scénario à tourner, ils sont prêt à financer un film, dans les limites du raisonnable. De bien gênantes limites puisque le raisonnable se situe aux alentours de 100000$, ce qui est très très peu (Gordon Hessler est à peu près persuadé qu'il avait même obtenu un budget moindre). Donc, il achète l'un des scénarios refusé par Hitchcock pour sa série T.V., comme prévu la Fox lui donne trois semaine et 100000$ pour réaliser son premier long métrage, ce sera "Catacombs" (1964). Notons que si le film est daté de 1964 sur toutes les filmographies qui n'oublient pas de le signaler, Gordon Hessler dans une interview, dit avoir commencé le tournage en 1961. Un film complètement inédit en France, voire même aux Etats-Unis où il n'existe pas en vidéo (Jean-Marie Sabatier parlait à la fin des années 70 d'un film scandaleusement "caché"), en fait il est tout à fait possible que le film soit si mauvais ou si surprenant (ça c'est pour être sympa avec Gordon) que la Fox l'ait enterré. Ce film pourrait aussi être sorti sous le titre "The Woman Who Wouldn't Die", Gary Merrill et Jane Merrow y tiennent les deux rôles principaux. Quiconque en retrouve la trace est prié de le clamer haut et fort sur Internet, merci. Pour Gordon Hessler, dont le film fût, semble-t'il, assez peu convainquant, c'est le retour en Angleterre où il travaillera entre 4 et 5 ans pour la télévision. Remarqué par les producteurs de l'A.I.P. (American International Picture), ceux-ci lui proposent un contrat pour quatre films, dans le plus pur style A.I.P., c'est à dire des films d'épouvante à cible adolescente, et surtout peu coûteux.

Fin des années 60 : les véritables débuts




The Oblong Box, photo

Alastair Williamson, masqué

En 1969 donc, c'est le tournage de "The Oblong Box" ("Le cercueil vivant"), Ce film est tourné en Angleterre, sur une trame relativement classique. Vincent Price assassine un enfant noir, la tribu de ce dernier se venge sur le frère de Vincent, en le défigurant. Vincent Price enferme son frère, mais ce dernier essaye de s'évader en simulant son décès. Tout irait bien s'il n'avait pas été enterré vivant, bien sur, profitant des agissements de sectes resurectionnistes, il ressortira pour se venger (le thème de l'enterré vivant étant le seul rapport de près ou de loin avec Edgar Poe). C'est le premier film d'une collaboration assez nette entre Gordon Hessler et son scénariste Christopher Wicking, même si le scénario est signé Lawrence Huntingdon. Le résultat n'est pas vraiment décevant, même si le film n'est pas une réussite, il y a quand même quelques petites choses à se mettre sous la dent. Déjà, on note, par rapport aux productions classiques de la Hammer, qui avait amorcé son déclin, beaucoup plus de violence et d'érotisme, mais aussi un certain retour à un réalisme assez cru, on pourra y voir par exemple, une scène de crucifixion, une tête écrasée à coups de pelle, et autres joyeusetés. Dans la narration et le montage, Hessler impose déjà un style particulier, à première vue on pourrait le qualifier le film de décousu, mais l'ensemble se tient finalement plutôt bien, et quelques scènes bien placées viennent éclairer les zones d'ombres scénaristiques que l'on aurait pu prendre pour de graves erreurs de continuité, des invraissemblances dues à une écriture à plusieurs mains, voire même un "remontage" des producteurs assez aberrant. On notera, dans ce film, la présence de Christopher Lee dans un rôle beaucoup plus modeste que son confrère Vincent Price, et Alastair Williamson dans le rôle du défiguré enterré vivant. Ce film, c'est un peu aussi les débuts d'un procédé qui fera fureur jusqu'à la fin des années 80, le faux Happy-End (quand je dis "les débuts" j'exagère un peu, en fait le procédé est déjà très ancien, mais il deviendra à la mode, jusqu'à devenir ridicule et standard, à partir de cette époque là).

Années 1969 / 1970 : Fritz Lang apporte son soutient critique




Scream and Scream Again, photo


... je te jure, une carpe
comme ça...

Assez rapidement, il faut bien le dire, nous en arrivons au film qui fit connaître Gordon Hessler, l'année suivante, 1970, (mais certains articles placent son film suivant en 69, certains inversent "Scream and Scream Again" et "Cry of the Banshee", mais les laissent tout deux en 70), le producteur Milton Subotsky amène à l'AIP (associée pour l'occasion avec Amicus) un projet appelé "Scream and Scream Again", l'AIP assez contente du travail de Hessler et Wicking sur "The Oblong Box" leur donne tout le projet, avec carte blanche pour beaucoup de points cruciaux, seul le casting du premier rôle sera imposé, mais comme il s'agit de Vincent Price, on ne va pas s'en plaindre. Hessler, qui dans son interview à l'écran fantastique s'avère être quelqu'un d'extrêmement modeste, explique que c'est à Wicking que l'on doit toutes les qualités du film, mais aussi, au fait qu'ils ont réussi à garder le final-cut, ce qui ne sera pas le cas des films suivants. Par ailleurs, il faut bien admettre que la présence de Price, Cushing et Lee au générique, est pour beaucoup dans la réussite de ce film (ceci dit, Peter Cushing et Christopher Lee, crédités en vedettes, font seulement une apparition, respectivement Heinrich et Fremont). Effectivement, comparé à "Scream and Scream Again" ("Lâchez les monstres !") qui tient du météore, en explosant les conventions du film d'épouvante (en particulier celles de la Hammer), les films suivants sembleront beaucoup plus sages, même si certaines scènes restent très originales. "Scream and Scream Again" est un film mosaique, découpé comme un puzzle, presque inextricable, un peu déroutant comparé aux productions de l'époque. C'est une scène, la dernière, qui révèle tout le génie de sa construction, aidée par un montage extrêmement nerveux (voire même assez "sauvage").



Scream and Scream Again, photo

...de nombreuses scènes de
grand guignol...

Le spectateur, un peu dérouté par les nombreux "faux trous" de scénario, est rattrapé au vol par les nombreuses scènes grand guignol, qui ne manquent pas de piquant, on y plonge de nombreux protagonistes dans une cuve d'acide, la créature (il s'agit d'un scénario reprenant plus ou moins le mythe de Frankenstein) pour échapper à la police, n'hésite pas à s'arracher une main, on pourra y voir aussi, non sans humour, un champion de course à pied se faire amputer des deux jambes à son insu, puisqu'elles "disparaissent" pendant son sommeil réparateur, à l'hôpital. Encore un petit détail, dont on ne saurait négliger l'importance, le grand Fritz Lang, en personne, déclarera, qu'il s'agit pour lui du premier d'horreur adulte, qu'il ai vu (enfin, peut-être voulait-il dire que c'était la première fois qu'il voyait un film d'horreur pour adulte... Mais, ne soyons pas mauvaise langue, ses propos semblent bien sincères, et cadrent bien avec la réelle valeur du film, trop souvent sous-estimé).

Kronos

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