Terence Fisher

Terence Fisher - Partie 6

1961 : Le fantôme de l'opéra annoncé en fanfare


1961, la Hammer annonce la mise en chantier d'une de ses plus coûteuse production, "Le fantôme de l'opéra" ("The Phantom of the Opera"), une nouvelle adaptation de Gaston Leroux, mais qui, promis juré, sera la meilleure de toutes. Déjà, ce bon Herbert Lom devait faire mieux que Lon Chaney, pas facile (voire impossible), le scénario aurait du mettre l'accent sur l'aspect fantastique et oublier la triste amourette romantique, la Hammer aurait du faire travailler un meilleur scénariste que John Elder, et surtout, elle n'aurait jamais du enlever à Terence Fisher son chef opérateur fétiche, le grand Jack Asher.

Le résultat est bien décevant, malgré deux ou trois scènes de génie (dont l'ouverture) le reste du film s'avère ennuyeux, plutôt laid, les décors n'ont rien de grandiose, les acteurs (et leurs rôles) inconsistants. Vous pouvez me trouver plutôt dur avec ce film, mais il faut bien l'avouer, la déception est à la hauteur de ce qu'on était "en droit" d'attendre d'une telle adaptation avec un tel réalisateur.




Affiche française de "Sherlock Holmes und das halsband des todes"

L'année suivante Terence Fisher réalise une coproduction internationale (France, Allemagne et Italie) sur une nouvelle aventure de Sherlock Holmes, "Sherlock Holmes und das halsband des todes" ("Sherlock Holmes et le collier de la mort"). Une fois de plus (et malgré un générique plutôt alléchant) la déception est au rendez-vous. Les raisons sont nombreuses et tout à fait plausibles, Fisher ne s'est pas intéressé au film, il se contente d'appliquer le manuel du morne technicien, Curt Siodmak (pourtant excellent scénariste) raconte que le scénario a été réécrit de nombreuses fois par les producteurs allemands), et, comble de l'horreur, Christopher Lee (qui joue Sherlock Holmes) est doublé, même dans la version originale, par un acteur américain ! De plus, c'est fréquent sur ce genre de production, la présence d'acteurs de nationalités différentes, ne parlant pas la même langue, est néfaste à la cohérence de leur jeu (ils récitent, sans émotion). Fisher tourne moins, de plusieurs films par an, il réduit son activité à un seul. Le suivant, en 1963, est considéré par le maître lui même comme son plus mauvais. En effet "The Horror of It All" est objectivement assez lourd, et pourtant, c'est un des sommets du film psychotronique, la quantité de clichés, l'humour assez épais, les personnages pas du tout à leur place, en font un grand moment de franche rigolade en noir et blanc. Une famille se composant de dégénérés, dont un qui est persuadé avoir inventé l'électricité, une femme qui se prend pour un vampire, un fou dangereux qui ne sort pas de sa cave (il y est même enfermé), un scénario, vaguement inspiré de "10 petits nègres" à la hauteur de l'interprétation, mauvais, mais drôle (la chanson de Pat Boone, un grand moment).

Gorgone et retour à la SF





Affiche belge de "The Gorgon"

Heureusement, la même année, Fisher se ressaisit, il en profite pour retrouver un élément essentiel de "l'équipe miracle" en la personne de Peter Cushing, il garde Christopher Lee, et obtient la collaboration du bon scénariste John Gilling. Pour changer un peu, ils vont transférer une histoire de la mythologie grecque en Europe centrale (et donc, la mâtiner de Dracula) pour retrouver leurs marques (surtout pouvoir réutiliser les décors).

Un film fantastique, aux aspects romantiques, mettant en scène un personnage habité à la fois par le bien et le mal, en lutte permanente. "La Gorgone" ("The Gorgon") est malheureusement un film extrêmement peu diffusé, mes souvenirs sont plus que flous, mais l'impression générale était bonne, en fait je garde même une sensation de bonne surprise. En lisant quelques critiques à propos de "La Gorgone", récemment ressortie en vidéo, il semblerait que le film soit de bien meilleure qualité que la réputation de petit film qui lui est souvent attribuée.

Bien que certainement inférieur aux adaptations de Dracula et Frankenstein, "La Gorgone" offre quand même quelques scènes étonnantes, même si le manque (très visible) de moyens, jetez un oeil sur les bigoudis de la gorgone (Ray Harryhausen fera beaucoup mieux quelques années plus tard) pousse le spectateur vers un peu plus d'indulgence. En tout cas, l'idée d'inventer un nouveau monstre (même inspiré de la mythologie grecque), montre une volonté de renouveler le bestiaire, de ne pas s'en tenir aux créatures déjà mise en scène par Universal dans les années 30 (la créature, Dracula, la momie, le fantôme de l'opéra, le loup-garou). Dommage que le public n'ait jamais suivi cette tentative de sortir des habitudes.




Photo "Earth Dies Screaming"

La règle de base : dans les films
les plus fauchés, les méchants
sont toujours bien sapés

Le film suivant, "The Earth Dies Screaming", est inédit en France, mais heureusement il fut disponible un temps dans une collection vidéo américaine, je dis heureusement parce que ce petit film de SF (à l'américaine) est plein de bonnes idées. L'histoire, déjà, n'est pas sans rappeler les magnifiques petits films paranoïaques qui peuplent l'univers cinématographique des années 50 : Un pilote, juste après son atterrissage, découvre que la population a été éliminée dans son intégralité (du moins c'est ce qu'il croit), c'est la faute à plein de Robots très méchants qui tuent tout le monde.

A l'instar de "l'invasion des profanateurs de sépulture" de Don Siegel, un petit groupe de survivants va tout faire pour arrêter l'invasion. Pas grand intérêt me direz vous ? C'est pas faux, mais le film est plutôt bien fait, avec les moyens du bord (le budget semble avoir été réduit à sa plus simple expression), et n'est pas en manque de scènes fortes et efficaces. Un film qui ferait les bonheurs des cinéphiles de la nuit, à l'heure des nanars sympathiques (c'est vrai quoi, les films de dinosaures, de robots, de zombies mal lunés, d'extra-terrestres caoutchouteux, de savants fous, ça fait quand même un sérieux matelas de films à diffuser pour pas cher, avec un public déjà conquis, mais que fait le CSA ?).

Mais revenons à nos moutons, 1965, depuis l'échec artistique du "Fantôme de l'opéra" rien ne va plus pour Fisher, on sent bien une remontée de motivation avec la Gorgone, mais rien de bien génial quand même.




Affiche française de "Dracula: Prince des ténèbres"

Il ne reste plus qu'une solution pour palier à la panne de scénario, donner une nouvelle suite à "Dracula". Le scénario de "Dracula : prince des ténèbres" ("Dracula: Prince of Darkness") était signé Jimmy Sangster, une référence, curieusement, Fisher découvre une histoire plutôt bonne mais les dialogues du conte Dracula sont réduit à leur plus simple expression, voire ridicules. L'explication est simple, Christopher Lee ne voulait plus jouer le rôle du vampire, il craignait y rester enfermé pour toute sa carrière, il avait donc demandé aux producteurs d'être payé à la journée.

Résultat, les producteurs contactent Jimmy Sangster, et lui demandent de réduire au maximum les apparitions du Conte. Fisher, plutôt que de filmer des dialogues ridicules, choisit de faire du vampire un personnage beaucoup plus "animal", ses lignes sont quasiment toutes supprimées, et Christopher Lee n'a plus qu'à grimacer et grogner pendant ses courtes apparitions. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le résultat est plutôt intéressant, il permet à Fisher de focaliser son attention sur une satire de la bourgeoisie, de la noblesse ridicule, les moeurs Victoriens en prennent pour leur grade. Par ailleurs certaines scènes vont plus loin dans le sadisme et la violence, on y verra une victime crucifiée à l'envers (rite satanique destiné à ressusciter Dracula) et vidée de son sang.

La scène finale, sur les douves du château, recouvertes d'une épaisse couche de glace, est aussi tout à fait mémorable. La seule chose triste dans ce film trop souvent sous estimée, est qu'il sera le dernier Dracula de Terence Fisher.

Kronos

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