Terence Fisher

Terence Fisher - Partie 7

1965 : "Island of Terror", retour à la science-fiction


1965, Fisher revient à la science-fiction avec "Island of Terror" où des savants inventent des êtres vivants à base de silicone, ces derniers, au lieu de se tenir tranquille, décident de se nourrir de calcium. Imaginez les effets sur la population. Le film est construit comme tout bon film de SF américain des années 50, avec ses longueurs (interminables et pompeuses discussions de savants) et, heureusement, ses scènes chocs, ici plutôt réussies par Fisher, on sent qu'il s'est bien amusé. Bien sur les effets spéciaux sont à la hauteur du budget, c'est à dire très mesurés. J'ai quand même un faible pour la scène d'ouverture, celle de la grotte, classique, mais tellement bien faite. Notons que Peter Cushing est sûrement le meilleur acteur du film, ce qui n'était pas vraiment difficile, vu la piètre performance des pantins qui l'accompagnent, drôles sans le vouloir.

1966/67 : Et si Frankenstein créait une femme ?





Photo de "Frankenstein created woman"

Il a fait de gros progrès
en chirurgie esthétique !

Plus intéressant, disons plutôt, plus Fisherien, son film suivant "Et Frankenstein créa la femme" ("Frankenstein Created Woman"), peut-être le dernier que fera Fisher avant d'avoir des problèmes avec la Hammer et surtout avec sa santé. Le film démarre en trombe, avec beaucoup d'ironie, on dégèle le baron Frankenstein, on le ressuscite. Passé ce court moment il faut renouveler l'histoire, alors, plutôt que de charcuter, le baron se modernise, pour créer son nouveau monstre il choisit la méthode beaucoup plus propre (au sens physique, pas éthique) du transfert d'âme.

Ainsi le mythe évolue, Frankenstein ne se prends plus pour Dieu, il se contente de vider un vase dans un autre. Autre aspect passionnant du film, la sexualité, avec son monstre androgyne (une jeune femme avec l'âme d'un homme) draguant à tout va pour assouvir son désir de vengeance. On peux pas dire que ce volet des aventures de Frankenstein soit aussi bon que les autres, Fisher prend une certaine distance avec le mythe, le Baron triche, la satire prends parfois le dessus. Le filmage, aussi, n'est plus autant travaillé, quelques scènes émergent du lot, mais elles sont trop rares. De plus, la construction en deux parties distinctes, casse le rythme du film.

Un an plus tard, avec toujours aussi peu de motivation, Fisher s'en retourne une fois de plus vers la bonne vieille SF de base. Ce sera le tournage du très rare "La nuit de la grande chaleur" ("Night of the Big Heat"). Je n'ai jamais vu ce film où des extra-terrestres réchauffent la terre pour pouvoir s'y installer. Il faut savoir que sa sortie en France à donné lieu à des pratiques insensées, la plupart des vedettes du film ont été retirées du générique (Cushing, Lee, et Fisher, rien que ça !) et le distributeur y a ajouté des scènes hardcore à tout bout de champs. Je vous laisse imaginer le résultat.

Dommage, car les quelques personnes qui ont pu voir le film dans sa version originale, avouent avoir été surpris par la qualité de sa mise en scène, même si quelques coups de zoom viennent affaiblir l'ensemble (curieux quand même ces coups de zoom, pas du tout le genre de Fisher, ce serait il fait remplacé par Jess Franco le temps d'aller boire un coup au pub ?). Tout ça n'est pas très folichon vous allez me dire, et c'est pas faux, Fisher n'a plus la même motivation, les scénarios que lui propose la Hammer sont loin d'avoir la qualité de ses meilleurs films.



Christopher Lee dans "The Devil Rides Out"

Mr Lee, un grand connaisseur
des choses de l'occulte.


Justement, pour me faire mentir, c'est toujours en 1967, que Richard Matheson fait un retour aux cotés de Fisher avec un scénario superbe, "The Devil Rides Out" ("Les vierges de Satan"), Fisher est emballé, et il n'est pas le seul, l'acteur Christopher Lee y voit l'occasion d'y intégrer son grand savoir dans le domaine de l'occulte, par exemple, le rite d'exorcisme est un vrai, étudié par Lee dans les ouvrages de sa collection. Fisher retrouve le plaisir de filmer, travaille sur la couleur (oui, je sais, la photo est en noir et blanc), la symétrie entre le bien et le mal est parfaitement rendue du point de vue de la mise en scène, et quand on voit que les effets spéciaux ont bénéficié de quelques moyens supplémentaires, on peut dire sans exagérer que l'ensemble est particulièrement réussi. Pourtant ce film est rarement cité dans les classiques de Fisher ou de Lee.

Ouf, pourrait on dire, Fisher est sauvé... Pas vraiment, le sort s'en mêle, Fisher se brise la jambe en traversant la rue et est remplacé par Freddie Francis sur le tournage de "Dracula Has Risen From the Grave", dommage, ce sera un an sans tourner. En 1969, la Hammer, certainement en panne de scénarios, décide de tourner un nouveau Frankenstein, et de le confier à Fisher. Grande idée puisqu'il s'agit de sa spécialité (même s'il déclara que son mythe préféré est plutôt celui de Dracula).

Frankenstein, toujours Frankenstein




Peter Cushing dans "Frankenstein Must Be destroyed"

Le baron, présenté comme un
bricoleur par Terence Fisher

Fisher va aller jusqu'au bout, le titre, rien que le titre original suffirait à résumer l'esprit du film "Frankenstein Must be Destroyed" ("Le retour de Frankenstein"). On peut voir et sentir la haine (toute relative) que Fisher à pour le Baron, il le soigne tout particulièrement, ce dernier tue à la moindre contrariété, viole la propriétaire de la pension qui l'abrite (il la tuera plus tard, d'ailleurs, comme... punition). Il n'a jamais été aussi abject, détestable et déconnecté de la réalité, cette dernière impression semble être due au jeu très décontracté de Cushing, plus baron que jamais, presque heureux de se défouler un peu, avec beaucoup moins de retenue qu'à l'habitude. À l'opposé de cette haine on n'avait jamais senti autant de tendresse pour la créature, victime finalement innocente, que Fisher traite avec beaucoup de respect.

La mise en scène est flamboyante, Fisher réussi ses cadrages et ses travellings à la perfection, évite les effets inutiles, garde de bout en bout un rythme et une violence parfaitement en phase avec les actes destructeurs du Baron (on notera, en particulier, que le film est bien plus "gore" que les autres), l'un des meilleurs Frankenstein de cette longue série, ça ne fait aucun doute.

Ouf, pourrait on redire, Fisher est sauvé... Pas vraiment, le sort s'en mêle, Fisher se brise la jambe en traversant la rue et... ne tournera plus rien jusqu'en 1972.

Et comme les scénarios intéressants ne sont pas légion, comme la mode des films fantastiques anglais semblent retomber doucement dans l'oubli, ce sera pour Fisher un ultime sursaut, un ultime film sur le sujet qu'il aura parcouru en long en large et en travers. Pour la dernière fois, en 1972, le baron Frankenstein est de retour.

1972 : Un dernier pour la route...





Affiche française "Frankenstein and the Monster From Hell"

Le dernier Frankenstein, "Frankenstein and the Monster From Hell" ("Frankenstein et le monstre de l'enfer"), est un film sombre, sordide, le Baron à les mains brûlées, il est encore plus ignoble et insensible, le monstre, aliéné, n'a pratiquement plus aucun intérêt, une machine à tuer entre les mains du Baron. C'est un film testament pour Terence Fisher, truffé de références aux autres épisodes de la série, travaillé avec soin mais sans réelle motivation, physiquement Fisher est trop affaibli. Il faut dire que la Hammer, en pleine décrépitude, n'avait plus les moyens de ses ambitions. Fisher arrête de tourner définitivement, il a 70 ans, se sent plutôt fatigué et malade. Il fera quelques apparitions au festival du film fantastique de Paris (nottament pour présenter son dernier film, l'ovation sera mémorable), avec Peter Cushing, et ne tournera pas un nouveau Dracula comme ça avait été annoncé. Il meurt d'un cancer, le 18 juin 1980 à Twickenham. En guise de conclusion, on peut dire que Fisher est loin de n'avoir fait que des chef d'oeuvres, comme on le lit parfois dans les artciles de certains journaux (Midi-Minuit ou l'Ecran fantastique grande époque, et même, dans une moindre mesure,Positif), bien excusables (j'y vais un peu fort là) puisqu'ils ont connu cette grande époque de la Hammer, et qu'on leur doit, en tant que découvreurs et promoteurs passionés la reconnaissance du cinéma fantastique en France, les grands films de Fisher se comptent sur les doigts d'une main (ce qui est déjà pas mal). Mais, plus important que tout, il a inventé un style, il représente avec la Hammer toute une époque du cinéma fantastique, son renouveau, les films de Fisher c'est aussi un groupe de technicien, d'acteurs et d'auteurs qui ont su renouveler un genre que l'on croyait épuisé. Ses films passent de temps en temps sur les écrans de télévision, ils sont souvent édités en VHS, LD et surement bientôt en DVD, n'hésitez pas une seule seconde à y jeter un coup d'oeil, voire plus, devenez fans de Fisher et de la Hammer.

THE END

Bibliographie :
"Cela s'appelle L'HORROR" par Gérard Lenne,
"Terence Fisher" par Stéphane Bourgoin,
et de nombreux articles sur la "Hammer Films", Peter Cushing, Christopher Lee, et Terence Fisher, dans la revue "L'écran fantastique"

Kronos

Retour Page précédente