Terence Fisher

Terence Fisher - Partie 5

1959 : Tradition anglaise oblige, un film sur l'Inde...





Photo "The Stranglers of Bombay"

Chez les étrangleurs, à Bombay,
c'est pas la tête qu'on coupe

ALORS DONC, en cette année 1959, notre Terence préféré s'attaque à un sujet curieux, un film sur la sectes des Thugs. Très heureux puisque les aventures des colons anglais collent parfaitement avec son obsession pour l'époque Victorienne. Le film s'intitule "Les étrangleurs de Bombay" ("The Stranglers of Bombay") et compte parmi les réussites majeures de son réalisateur. Tourné en noir et blanc (pour le réalisme, hé oui, les couleurs à l'époque étaient sacrément factices), le film véhicule des images et des scènes d'un sadisme rarement atteint à la fin des années 50. Ce sadisme et cette cruauté sont incarnés par une actrice, au rôle pourtant très réduit, Marie Devereux, jouissant physiquement (si si) de chaque scènes de torture (et il y'en a plein).

À la première projection Terence Fisher avouait lui même avoir été choqué par la violence "raffinée" de son propre film, ce qui donne une idée de l'implication du réalisateur pendant le tournage. L'image et la mise en scène sont remarquables, l'exotisme très distrayant (la secte des Thugs ça marche à tout les coups). C'est, malheureusement, un film rare qui mériterait une diffusion (mais qu'est ce que voulez, noir et blanc = pas d'audimat...) En tout cas il eu à sa sortie, un succès public certain.

Cette année là donc,et après le tournage de "Stranglers of Bombay", la Hammer (qui engrange pas mal de fric, ses autres réalisateurs marchent plutôt bien eux aussi) se paye le luxe de nouveaux studios tout neufs, c'est quelque part un peu dommage puisqu'ils sont construits sur les très beau décors de "Dracula".



Dr Jekyll

Dr Jekyll




Mr Hyde


Mr Hyde

Toujours la même année Fisher et Mankowitz (son scénariste du moment) s'attaquent à une nouvelle adaptation de Jekyll et Hyde de Robert Louis Stevenson. Malgré la bonne idée d'inverser la beauté et la laideur extérieure de Hyde et Jekyll, malgré la force inhabituelle de certaines scènes (la femme de Jekyll se suicide après un viol, des choses que l'on commençait à peine à montrer au cinéma), malgré la magnifique peinture des bas fonds Londonien (on l'a déjà vu, filmer les extrêmes, en l'occurence la bourgeoisie et le "bas peuple" est une spécialité de Fisher, une constante de son oeuvre), malgré tout celà donc, le film reste plutôt insatisfaisant.

Plusieurs raisons à cela, le thème a déjà été traité de nombreuses fois au cinéma (et surtout au théâtre) et à part l'avoir rendu beaucoup moins politiquement correct (vous me direz, c'est déjà beaucoup), Fisher et Mankowitz n'arrivent jamais à rendre l'histoire vraiment passionnante. Peut-être le film manque t'il un peu de rythme, ou peut-être on s'attend à une histoire encore plus trafiquée, comme le sera "Dr Jekyll and Sister Hyde" par exemple.

Même s'ils prennent quelques libertés, on sent bien que Fisher et son scénaristes sont un peu prisonniers des conventions, beaucoup de scènes restent des scènes de liaison et le contraste avec les scènes fortes est trop prononcé, contrairement à un Robert Mamoulian (dont l'adaptation est la plus réussie), Fisher n'a pas su maintenir la tension tout au long du film.

Une petite déception (mais une toute petite), on a quand même un film qui reste bien au delà de nombreuses adaptations du même roman, j'allais oublier, le titre est "The Two Faces of Dr. Jekyll" (ou encore "Jekyll's Inferno" pour le titre américain, "les deux visages du docteur Jekyll" en France).




Miss Melly dans "Brides of Dracula"

Rhâââ, quelle femme !

A ce moment de sa carrière Fisher va connaître une petite panne de bon scénario, "Brides of Dracula" ("Les fiancées de Dracula" ou "Les maîtresses de Dracula") est un peu léger, c'est surtout l'interprétation de David Peel (parfois ridicule, trop jeune, trop précieux, il joue le Baron Meinster un sous-fifre de Dracula, hé oui, faut dire que le titre est mensonger) qui fait tomber régulièrement la pression, alors que les seconds rôles sont excellents, je devrais plutôt dire excellentes (les actrices, comme le suggère le titre, ne seraient elles pas les véritables stars du film ?), et souvent, aux frontières de la parodie, c'est d'ailleurs tout l'intérêt du film que personne ne semble avoir pris réellement au sérieux.

Reste quand même la fin, remarquable, où tout le talent du metteur en scène semble se libérer d'un scénario conventionnel et parfois même un peu crétin (wow, je suis pas tendre là). Mais bon, c'est drôle, c'est déjà ça. Par ailleurs, les canines pointues vont très bien à Miss Melly qui n'en est que plus paradoxale, rendez-vous compte, sage, sexy, et dangereuse à la fois, wouououou.

Il faut rappeler que de 1955 à 1958, parallèlement à ses activités au cinéma, Fisher travaillait pour une série TV narrant l'histoire de Robin des Bois. De cette série sera fait un film, ridicule, nullissime, manquant de souffle dans 95% des scènes, quand je pense que certains le trouvent Shakespearien...

L'acteur principal Richard Greene est un très mauvais Robin des Bois, auquel on ne croit pas une seule seconde, même l'excellent Peter Cushing nous fait un bien piètre Shérif de Nottingham. La réalisation est tout à fait téléfilmesque, Fisher a du bien s'ennuyer, qu'on le rassure, nous aussi. Pour la petite anecdote, un acteur débutant joue un petit rôle dans le film, il s'appelle Oliver Reed, et va bientôt avoir l'occasion de nous montrer tout son talent.




Oliver Reed dans "Curse of the Werewolf"

Derrière les poils,
Oliver Reed est...
...Le loup-garou

Justement parlons en d'Oliver Reed, Fisher se voit confier un grand projet, "La nuit du Loup- Garou" ("Curse of the Werewolf"), toujours d'après Guy Endore et son loup-garou de Paris, Oliver Reed est catapulté dans le rôle titre, et Fisher va pouvoir réaliser son plus grand rêve, filmer une histoire d'amour. Cette histoire et l'omniprésence de la religion dans le film, en sont les deux piliers. La scène d'ouverture est l'une des plus belle et des plus cruelle jamais réalisée par Fisher, un mendiant est ridiculisé, torturé et jeté aux oubliettes par un noble local (abject et décadent, voire même syphilitique, mais la scène où il s'arrache la peau du nez a été coupé par la censure), le mendiant, devenu bestial par un long enfermement est rejoint par une servante muette qui avait fait "une grosse bêtise".

De la rencontre de ces deux êtres "résulte" un viol, de ce viol (censuré aussi), nait un enfant maudit, de cette malédiction un loup-garou. Le film est parfois un peu trop lent et la symbolique un peu lourde, on décroche un peu à deux ou trois reprises, mais la passion qui anime Oliver Reed, l'omniprésence de l'église et du peuple (des lyncheurs en puissance) lui donne tout le souffle nécessaire à une belle réussite. Fisher, très motivé par le sujet, retrouve l'inspiration qui lui faisait (un peu) défaut pour ces deux derniers films. Et c'est tant mieux.

Kronos

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