Terence Fisher

Terence Fisher - Partie 4

Après deux gros succès, on applique la recette gagnante, mais...


DEUX SUCCÈS (énormes par rapport à l'investissement) d'affilé, la Hammer et son réalisateur vedette sont bien lancés. Fisher va donc réaliser une suite à son premier Frankenstein ("The Curse of Frankenstein"), le film commence là où se terminait le premier, mais pour préserver le héros de la guillotine, une petite pirouette, assez amusante, est nécessaire. Je vous en laisse la surprise.



Affichette "The Revenge of Frankenstein"

Une affichette pour
"The Revenge of Frankenstein"

Donc cette suite a pour titre "La revanche de Frankenstein" ("The revenge of Frankenstein"). Il est question dans ce film des aventures du Baron essayant d'aider un ami à retrouver une enveloppe charnelle en bon état, la sienne étant sérieusement endommagée. Le film est entièrement axé sur le personnage du Baron, beaucoup moins critiquable que dans le premier opus, il a (par force) quitté la haute société, et est devenu plus humain, plus proche du peuple. Constante de toute l'oeuvre Victorienne de Fisher, on retrouve tout le long du film ce contraste appuyé entre les très pauvres et les très riches, peut-être est-ce même dans ce film (et dans "La nuit du loup-garou") que cet aspect social est autant développé.

N'empêche que le film ne marchera pas, la raison est plutôt simple, la Créature (notez le C majuscule) n'y est pas, le héros est définitivement le Baron. Le bouche à oreille fonctionnera dans le mauvais sens, alors qu'objectivement ce deuxième opus est meilleur que le premier. De plus Fisher et Sangster s'étaient permis quelques petits moments d'humour noir très savoureux, histoire de prendre un peu de recul, par exemple quand le Baron enlève le bras d'un grand pickpocket, ou encore tout les petits morceaux qui traînent dans le laboratoire (des yeux, des morceaux de crâne, etc.).




Affiche "Hound of the Baskerville"

Une affiche peu discrète

On change donc de direction, mais Fisher maîtrisant bien les ambiances Victoriennes, on lui propose d'adapter une aventure de Sherlock Holmes, aux frontières du fantastique, "Le chien des Baskerville" ("Hound of the Baskerville"). Fisher s'en donne à coeur joie et s'amuse à opposer de manière assez nette la noblesse décadente au rationalisme Victorien de Holmes, le mal charmeur (et charmant, Marla Landi) au bien ambigu, qui n'est le bien que parce qu'il s'oppose au mal, mais pas vraiment un bien pur et absolu. Encore une fois le film joue avec beaucoup d'humour, notamment le personnage du pasteur interprété avec une certaine folie par Miles Malleson (dans sa scène avec ce dernier, Christopher Lee qui joue le rôle de Sir Henry Baskerville, a beaucoup de mal à ne pas éclater de rire).

Peter Cushing interprète avec tout son talent un Holmes relativement classique. Le film est surtout une réussite plastique, les décors, tout en brumes, permettent un jeu avec les couleurs particulièrement réussi, encore un grand travail du chef opérateur préféré de Fisher, Jack Asher. Les droits des autres romans de Conan Doyle ne sont pas accessibles à la Hammer, ils vont devoir travailler d'autres sujets plutôt que d'entammer une longue série de Holmes, comme ils l'avaient pourtant prévu ("Le chien des Baskerville" a connu un certain succès).

En passant, une petite anecdote, la Hammer vient d'acheter les droits du roman de Richard Matheson "Je suis une légende", enthousiastes de nombreux journaux annoncent que Fisher en sera le réalisateur (d'autres parlent de Fritz Lang). Mais pour des raisons qui nous échappent (apparemment la peur de la censure) le projet restera au fond des tiroirs, dommage.



Affiche Belge "The Man Who Could Cheat death"

Le projet suivant confié à Fisher par la Hammer "The Man Who Could Cheat Death" n'a qu'un intérêt très limité, Jimmy Sangster adapte platement une pièce de Barre Lyndon, Fisher essaye par tout les moyens de rendre le film beaucoup moins bavard et statique que ce que proposait le scénario, mais rien n'y fait, les deux premiers tiers n'ont pas grand chose à offrir (je suis peut-être un petit peu dur, il faudrait le revoir, ce qui n'est pas chose aisée, les diffusions sont plus que rares).

Bien sur, la photo reste très travaillée, on peut ("grâce" au manque d'action) se concentrer sur le travail de Fisher (les amorces en gros plan, très nombreuses, par exemple) mais "The Man Who Could Cheat Death" reste assez ennuyeux. L'interprétation m'avait paru aussi assez limite, ou, du moins, on sentait un certain manque d'implication de la part des acteurs.

Donc pour relancer la machine, il faut revenir aux classiques déjà adaptés, Jimmy Sangster reçoit l'ordre (façon de parler) de s'attaquer aux nombreuses histoires de momies et d'en faire une synthèse (ou en tout cas, d'essayer de ne pas faire un remake), apparement incapable de transcender le sujet ou d'en faire autre chose qu'un amalgame de clichés, Sangster livre un scénario très pauvre et surtout plein d'erreurs assez grossières. Plutôt que de donner une nouvelle dimension au sujet, il se contente de recopier ce qui a déjà été fait.

1959 : Retour aux créatures classiques de l'épouvante




Christopher Lee dans "The Mummy"

Derrière la boue
et les bandelettes,
Christopher Lee est...
...La Momie


En 1959 commence le tournage de "La malédiction des Pharaons" ("The Mummy", ou encore "Terror of the Mummy" si vous souhaitez chercher dans des documents anterieurs à la sortie du film), Fisher fait ce qu'il peut mais le film baigne dans une certaine naïveté et la tension s'écroule régulièrement par simple manque de logique (la Momie est tour à tour sensible ou insensible aux impacts de balles, un coup il faut lui parler en ancien égyptien, un coup l'anglais moderne s'avère largement suffisant).

Par ailleurs le manque de moyens se fait assez cruellement sentir au début du film dans la reconstitution ridicule de l'ancienne Egypte (certaines copies du film circulent sans cette scène). Malgré l'aspect naïf de cette première scène on pourra se rattraper sur l'imagerie qu'elle véhicule, bien mise en valeur par l'utilisation de costumes aux couleurs vives, à la limite, et pour être sympa avec le film, il suffit de considérer qu'il s'agit d'une vision volontairement naïve.

Heureusement pour nous, Fisher et son chef opérateur Jack Asher, se concentrent sur l'aspect visuel, l'utilisation du Technicolor est remarquable, et certaines scènes sortent du lot, en particulier la scène du marécage, sublime, qui fait regretter que tout le film n'ait pas le même impact visuel et émotionnel (Christopher Lee, tout enveloppé de bandelettes et couvert de boue, donne une interprétation extrêmement claire et sensible, du grand art).

Kronos

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