Roger Corman himself

Roger Corman - Partie 4

Et pourquoi pas Shakespeare ?





Vincent Price dans Tower of London

...Corman ne savait pas qu'il
tournait en noir et blanc, il l'apprit
en arrivant sur le plateau...


The Raven

... la décision est prise de pousser
la farce au maximum...


À CE MOMENT LÀ, toujours en 62, Edward Small, un producteur indépendant, propose à Corman de tourner un remake de "La tour de Londres" ("Tower of London") de Rowland V. Lee. Corman accepte en choisissant d'en faire une satire plutôt que de se ridiculiser à faire du Shakespeare. Le résultat est assez étonnant, curieux mélange de Shakespeare, Poe, de cabotinage savamment dosé par Vincent Price, et de scènes d'épouvante typiquement Cormaniennes (l'utilisation détournée d'un casque de fer, par exemple). Les scènes de bataille sont les mêmes que dans le film de Lee (à quoi bon les retourner). La petite anecdote vient du fait que Corman ne savait pas qu'il tournait en noir et blanc, il l'apprit en arrivant sur le plateau. Même si le film tourne l'histoire constamment en dérision, certaines scènes sont extrêmement belles et ne manquent pas de tension dramatique, un film que j'aime beaucoup (notons en passant que le dialogue director s'appelle FF. Coppola).

Suivra un film sur les courses automobiles, que je n'ai jamais vu, qui s'appelle "The Young Racers" et qui a une réputation particulièrement exécrable, petit changement de décors quand même, puisque le film fût tourné en Europe, cette fois, Francis Ford Coppola est crédité comme ingénieur du son. On en arrive enfin, à ce qui est certainement l'un des "chef d'oeuvre" de Roger Corman, "The Raven" (le corbeau). Voyant avec "La tour de Londres" que faire des comédies est plutôt amusant, que le corbeau de Poe est, de toute façon, inadaptable, Corman réuni le trio de choc Peter Lorre, Boris Karloff et Vincent Price. Le tournage fut, parait-il, hilarant, Lorre qui était constamment sous l'emprise de drogues diverses et variées n'arrivait pas à apprendre son texte et s'amusait à inventer des répliques (dans un décors plein de toiles d'araignées il lançait un sympathique "Ca doit pas être facile à entretenir ici ?") ce qui rendait fou le très méticuleux Karloff, et faisait s'écrouler de rire Vincent Price. A partir de là, la décision est prise de pousser la farce au maximum, "The Raven" devient un classique du burlesque. Notons que, si Coppola n'est pas au générique, un second rôle se fait aisément remarquer, il s'appelle Jack Nicholson.

Alors que le tournage du corbeau se termine avec quelques jours d'avance, Corman se prépare à en profiter pour jouer au tennis, malheureusement pour lui, et heureusement pour nous, la pluie rend le terrain impraticable. Ayant décors et acteurs sous la main, Corman décide de tourner un film ("The Terror"), comme ça, il téléphone à Leo Gordon pour que celui ci lui écrive quelques scènes, mais il n'y a aucun lien entre elles, pas de scénario. Alors on tourne en improvisant, modifiant la scène suivante selon ce qu'avaient improvisés les acteurs. Le résultat est plutôt amusant mais franchement mauvais. L'intêret de ce film est que plusieurs des collaborateurs de Corman ont pu s'entraîner à réaliser, notamment Francis Ford Coppola, mais aussi Jack Nicholson...

Alternons les genres...





Ray Milland dans l'horrible cas du Dr X

On est toujours en 1963, Corman tourne à toute vitesse et continue à alterner les films du cycle Poe avec d'autres réalisations qui n'en sont pas moins intéressantes, l'une d'elle fut tournée juste après "The Terror". Il s'agit de "L'horrible cas du Docteur X" ("X-The Man with the X-Ray Eyes"), rien à voir avec le film de Michael Curtiz ou sa suite, ici il s'agit du Dr Xavier et de son assistante Miss Fairfax (notez les X dans les noms), qui mettent au point un sérum donnant la possibilité d'avoir une vision type "rayons X". Ah mais c'est que c'est bien pratique d'y voir à travers le corps humains et presque tout les métaux, sauf que ça fait rapidement mal à la tête, et qu'on aimerai bien que ça s'arrête, et que ça fait des jaloux en plus. Bref, le scénario fourmille de péripéties, le film se termine sur une scène magnifique, la photo est carrément superbe, la réalisation soignée et inventive, un chef d'oeuvre ? Non, le manque de moyens se fait trop ressentir, et certains effets ridicules auraient pu être évités, dommage que Corman fut trop confiant envers ses responsables des effets visuels. Notons par ailleurs que Ray Milland, dans le rôle du Dr. Xavier, est excellent.

Plutôt que de reprendre le cycle Poe, Corman décide de mixer (avec l'aide de Charles Beaumont) un roman de Lovecraft (l'affaire Charles Dexter Ward) avec l'ambiance de Poe, le résultat est "The Haunted Palace" sorti en français sous le titre sans équivoque de "La malédiction d'Arkham". Une des plus belles réussites de Corman, le scénario de Beaumont laissant la place à une double interprétation, possession ou schizophrénie ? Par ailleurs, Corman est certainement le premier et le dernier réalisateur a avoir su rendre presque palpable l'horreur que représentent les Dieux anciens chers à Lovecraft (ce qui, vous en conviendrez, n'est pas une mince affaire). Je reste encore aujourd'hui sous le charme de ce film, dont les quelques défauts restent bien mineurs, le casting y est aussi pour beaucoup, pensez donc, Vincent Price, Debra Paget, Elisha Cook, Lon Chaney Jr. J'allais oublier, mais si vous ne retrouvez plus, depuis deux ou trois films, Francis Ford Coppola au générique, c'est que, tout simplement, alors qu'ils étaient en Europe pour le tournage de "The Young Racers" Corman venait d'offrir à Coppola sa première véritable réalisation, "Dementia 13".



L'invasion secrète

On approche de la fin de l'année, Corman décide de faire un film de guerre, "The Secret Invasion", l'idée est simple et efficace on crée un commando de prisonniers pour faire le sale boulot (avec promesse de libération), chaque prisonnier étant expert de quelque chose (assassin, voleur, faux monnayeur, explosifs, etc.). Mettons de suite les choses au point, Aldrich s'en est inspiré pour ses 12 salopards, et c'est plus ou moins un remake de "Five Guns West" le premier film de Corman. Plein de choses dans ce petit film, une distribution luxueuse, Stewart Granger, Raf Vallone, Mickey Rooney, Henry Silva, rien que ça ! Ce film, il faut le signaler, est réalisé pour la United Artists, d'ou la quantité de moyens, inhabituelle chez Corman. On se souviendra surtout des petites touches personnelles qu'il saura apporter au film, comme la scène ou un tunnel est creusé sous un cimetière (je vous laisse deviner les conséquences), ou une autre scène extrêmement cruelle que je ne dévoilerai pas non plus, mais qui vous remue sérieusement les tripes. L'image est superbe, l'action rondement menée et ponctuée de savantes surprises, un excellent film de guerre.

Kronos

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