Roger Corman himself

Roger Corman - Partie 6

Année 1967 : Le LSD est à la mode ? Filmons le !


ON l'A VU, Corman avait donné sa chance à Peter Bogdanovich, il va aller plus loin en produisant son tout premier film "Targets", celui-ci sortira en 68, non seulement il le produit, mais Corman donne à Peter Bogdanovich la possibilité de tourner avec Karloff, ce dernier est très malade, mais accepte après avoir vu que le sujet lui permettrai de revenir (à sa manière) sur sa carrière de "spécialiste" du film d'épouvante, ce sera son dernier film. Mais mais mais, ne nous emballons pas, il y'a un autre film en 1967, tourné par Corman.



The Trip

...crédités pour des
"effets psychédéliques"...


Donc, cette année là, Jack Nicholson se pointe chez Roger Corman, et lui propose un scénario, "The Trip", il saute sur l'occasion. Il convainc ses producteurs de faire l'un des premiers films à "gros" budget, sur le LSD. Corman, pour être bien renseigné sur les effets du LSD, en prendra une bonne quantité, par ailleurs, il signale à ses collaborateurs qu'il est hors de question de prendre parti pour ou contre l'utilisation de drogues, le film doit raconter un voyage au LSD, ni plus, ni moins. Le titre est très parlant : "The Trip". C'est l'une des toutes première fois, où, au générique d'un film, on voit des personnes crédités pour les "effets psychédéliques", la distribution est quasi royale, Peter Fonda, Susan Strasberg, Bruce Dern, Dennis Hopper, et l'équipe de tournage dans son propre rôle (dont Peter Bogdanovich à la caméra). Le sujet est simple, on assiste au délire de Peter Fonda, à ses visions, à son voyage, sous l'effet du LSD.

On sent que Nicholson et Corman se sont fait plaisir, c'est un film pas forcément parfait techniquement, mais qui regorge d'idées et surtout d'humour. En vrac, on y voit, des sites médiévaux, des messes noires, un singe, un nain (tiens, Lynch a surement revu "The Trip" avant de faire Twin Peaks), mais surtout la scène du procès pour commercialisme, un grand moment visuel (les décors surréalistes) et d'humour. Chose amusante, le héros, pendant son trip, fait demi-tour, donc, en toute logique, il croise l'équipe de tournage ! On le voit, l'équipe du film s'est bien amusée, et il semble que Corman ait repris goût à la réalisation. Mais un évenement facheux va assombrir l'avenir de Corman réalisateur. Comme je l'avais dis, il avait souhaité laisser au film une fin ouverte, ne prenant pas parti pour ou contre l'utilisation de LSD. Sans rien lui dire, les producteurs d'AIP rajoutent une voix off pour mettre en garde contre les méfaits de la drogue. La séparation Corman/AIP est de plus en plus proche.

Années 1968 à 1970 : La réalisation échappe à Corman, derniers films pour AIP, virage vers la production...


On est en 1968, Corman s'intéresse de moins en moins à la réalisation, les crasses que lui ont fait les responsables de l'AIP y sont surement pour quelque chose. En 1969, il termine le tournage de "De Sade", tourné en Allemagne, le film est commencé par Michael Reeves, il décède, Richard Rush reprend la mise en scène à son compte, mais il ne s'entends pas avec Huston (producteur) ni avec les acteurs (dont Huston d'ailleurs), il est remplacé Cyril Raker Endfield, qui à son tour est remplacé par Gordon Hessler, et, enfin, ce dernier se verra remplacé par Corman qui vient essayer de sauver la baraque. Ces derniers ne seront même pas crédités au générique. La même année Corman participe au tournage d'un téléfilm (en passant, l'un des assistants réalisateurs s'appelle Alain Corneau), "How to Make It", vague polar d'espionnage, un version cinéma sera remonté par Gene Corman, son propre frère, qui croit bon d'y rajouter des scènes de nu avec Charlotte Rampling, Roger Corman, dégouté, demandera à ce que son nom soit retiré du générique, il y sera quand même crédité sous le nom de Henry Neill.



Shelley Winter dans "Bloody Mama"

Shelley Winter is ...

Bloody Mama

Bloody Mama!

Nous arrivons en 1970, la dernière grande année de Corman réalisateur, il commence avec l'adaptation de l'histoire de Ma Barker, "Bloody Mama". C'est l'histoire d'une famille de gangsters dégénéré, une mère ultra abusive et ses quatres fils. Corman filme à froid, ne prend parti pour personne, exclut tout romantisme, ne fait aucunne concession, viol, meurtre, drogue, inceste, meurtre, tout y passe. Shelley Winters y est remarquable, le film est tout à fait réussi, et permet, par la même occasion, de découvrir un petit nouveau, un jeune talent qui interprète l'un des fils Baker (le drogué), Robert de Niro. Ici, Corman ne fait pas de ses personnages des héros (ce que les journalistes, amateurs d'éventuels Jessie James, ne manquent pas de faire), il les montre tels qu'ils sont, vulgaires, crétins, efficaces dans leurs méfaits non pas grâce à une certaine intelligence, mais plutôt par cruauté et un manque total de différenciation entre le bien et le mal. N'allez pas croire que Corman voulait faire la morale, il considérait simplement que cette manie de faire de sombres crétins des héros devenait dangereuse et agaçante.

1970, c'est aussi l'année de "Gas-s-s-s", un gas experimental s'echappe dans l'athmosphère à cause d'une erreur militaire. Toutes les personnes agées de plus de 25 ans voient leur vieillissement accelléré. Corman voulait faire une comédie Post apocalyptique, un monde ou ne se developeraient que les contres-cultures. On y verra donc, Dieu discutant du nouveau monde avec Jesus, le Texas devenant un état policier, un équipe de football fasciste, des hippies partout, et, un grand moment, d'un camion militaire descendent John Kennedy, Che guevara, Martin Luther King, et... Edgar Poe, un corbeau sur l'épaule. Sont-ils là pour sauver le monde du chaos ? "Gas-s-s-s" a malheureusement été charcuté par l'AIP, une grande partie du film a été remonté, les scènes avec Dieu en particulier. Comme ces dernières étaient les préférées de Corman, il décide de couper les ponts avec ses producteurs favoris. Le film sera un très gros échec public et critique, seuls quelques analystes ne s'y sont pas trompé, Leonard Maltin, par exemple, gratifie le film d'un mérité trois étoiles, pour son coté dément et hilarant. Immaginez le résultat si AIP n'avait pas mis ses vilains ciseaux à contribution.



Red Baron

John Philip Law is...


Le baron rouge

Il tournera encore, cette année là, ce qui restera longtemps son dernier film, "Le baron rouge", avec John Philip Law. L'histoire de Von Richtofen était très chère au coeur de Corman, celà faisait des années qu'il voulait là tourner. Mais encore une fois, les producteurs lui firent réecrire le scénario afin que l'allemand ne soit pas le seul héros, ils lui imposèrent John Philip Law (très moyen dans le rôle), et charcutèrent le film à sa sortie. Cette fois c'est fini, Corman ne se consacrera plus qu'exclusivement à la production et à sa propre compagnie. Au début des années 90, il réalisera "Frankenstein Unbound" pour le plaisir peut-être, mais son talent ne s'y retrouve pas. Tout ce qu'a fait Corman en temps que réalisateur n'est rien à coté de son travail de producteur, il donne peu d'argent, certes, mais il laisse toute liberté aux réalisateurs, et ne touche jamais au final cut.

Dans sa longue carrière de producteur, il découvrira ou aidera les talents suivants, Jonathan Demme, Martin Scorcese, Paul Bartel, Lewis Teague, Silvester Stallone, John Landis, Joe Dante, Ron Howard, et bien d'autres encore. Sachez que Corman est aussi l'un des plus grand distributeurs de films étrangers aux Etats-Unis, il permettra, entre autres, la sortie de"L'histoire d'Adele H" de Truffaut, "Lumière" de Jeanne Moreau, "Rage" de David Cronenberg (hé oui, c'est un film canadien), "Dersu Uzala" de Kurosawa, "Amarcord" de Fellini, et des centaines d'autres. Il continue aujourd'hui à produire des dizaines de films par an. Vous en connaissez vous des gens qui ont fait autant pour le cinéma et qui sont encore si peu connus ? Moi, non. Ce gars là mérite un grand respect, y'a pas d'autres mots.

THE END

Ces élucubrations, vous pouvez les retrouver dans les bouquins "The films of Roger Corman" (épuisé) ; et, chez Edilig (surtout, avec un peu de chance, chez les soldeurs) "Roger Corman" de Stéphane Bourgoin, dans la défunte collection Filmo (c'est le numéro 2).

Kronos

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