Roger Corman - Partie 1OGER CORMAN est un cas à part dans l'histoire du cinéma, à la fois réalisateur, producteur, découvreur de talent, acteur, scénariste etc. Son principe est simple, pourquoi faire cher quand on peut faire fauché ! A l'arrivée de nombreux films, des ratés (complètement), des moyens (en grand nombre), et quelques réussites assez nettes. Il est né à Detroit en 1926, quelques années plus tard ces parents s'installent à Beverly Hills où Corman poursuit des études d'ingé en physique et thermodynamique, deux ans avant son diplôme, pour la fin de la guerre, il s'engage dans la marine. Il revient rapidement terminer ses études, se fait engager à la General Electric, où il restera... 4 jours. Son attirance pour le cinéma est telle qu'il préfère tout laisser tomber, il se fait embaucher comme garçon de course à la Fox. En un an il devient lecteur de scénario. Manquant de références, il prends des cours de littérature à Oxford, passe quelques mois à Paris (au début des années 50) et revient en Californie où il se met à travailler pour des agences littéraires. |
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Son premier film, vraiment fauché |
Voyant l'extrême médiocrité des scénarios qu'il a entre les mains, il en écrit un. La vente du scénario à Allied Artists lui rapporte 2000$, grâce auxquels il produit son premier film, "Monster From the Ocean Floor", il obtint gratuitement un sous-marin pour le film en téléphonant à l'aerojet General (fabriquant de sous-marins monoplaces) et en leur expliquant que l'impact publicitaire de son film serait énorme ! Avec l'argent que lui rapporte le film (une part des 110000$) il produit un policier avec 50000$ ("The Fast and the Furious") avec Dorothy Malone, plutôt que de céder la distribution à des compagnies connues, il choisit d'en faire profiter deux amis, James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff, ceux-ci sont partant, l'A.I.P (American International Picture) est fondée. Corman va enfin pouvoir réaliser. Ces trois hommes vont réinventer le film d'exploitation, en choisissant comme cible, le public adolescent. Je passe sur le reste des magouilles Cormaniennes, pour me pencher sur ces films en tant que réalisateur. D'abord en 1955 ce seront deux westerns "Five Guns West" et "Apache Woman" (le second est intéressant parce que Corman y traite de son sujet favoris, les marginaux, les rejetés). Avant de faire pour AIP son premier film fantastique, il réalise pour une compagnie de la nouvelle Orléans "Swamp Women", film assez minable (dans les combats sous l'eau on voit très nettement les rebords de la piscine). Toujours en 1955 il réalise "The Day the World Ended" où après une guerre atomique, les derniers survivants s'entre-tuent pour une femme, sont massacrés par une bête à trois yeux, etc. Fin 55 et début 56 Corman tourne ses deux derniers westerns (trouvant le genre épuisé il préférera se consacrer au fantastique, entre autre) le second "The Gunslinger" est plutôt réussi (tourné en 6 jours, ce qui est beaucoup pour Corman). |
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Année 1956 : les vénusiens attaquent, les crabes aussi |
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Enfin, toujours en 1956, c'est le tournage de "It conquered the World", un sujet génial, des vénusiens viennent sur terre pour nettoyer les âmes humaines de toute bêtise, une mission d'intellectualisation comme ils disent. Malgré les moyens rudimentaires et des extra-terrestres assez ridicules, Corman réussi à placer des scènes très efficaces, à garder un rythme intéressant (ce qui fait souvent défaut dans la série Z). Notons que Peter Graves tient le rôle principal. Encore en 1956 c'est "Attack of the Crab Monsters", Corman choisit de ne presque pas montrer les monstres (très nuls les monstres en question), le film est très intéressant pour son rythme extrêmement vif, et une efficace idée de terminer chaque scène par une "attente", créant ainsi, artificiellement, un climat très stressant. |
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...Corman choisit de ne
presque |
Suivra l'un des grands films de Corman "Not of This Earth", où un extra-terrestre à l'aspect humain (pas assez d'argent pour les effets spéciaux) vient vider les terriens de leur sang, le film est particulièrement réussi, sans temps mort, efficace, plein d'humour noir (aaah, la scène du représentant en aspirateurs). On est toujours en 1956 et Corman réalise un film étrange, "The Undead" où une prostituée est envoyée dans un moyen âge à la Christensen, peuplé de diable, sorcière, etc. Corman découvre dans cet (excellent) film que la brume artificielle permet d'éviter d'utiliser des décors coûteux, le film est plein de plans et de cadrages très originaux. Toujours la même année suivront "Rock All Night" (avec les Platters) et "She-Gods of Shark Reef" que je cherche à voir désespérément (le premier est le film préféré de Corman). Le second fut tourné à Hawaii en même temps que le suivant "Thunder Over Hawaii" pour diviser les frais de production par deux. Pas vus, ni l'un ni l'autre ("She-Gods..." est considéré comme l'un de ses plus mauvais). On arrive (enfin) en 1957 où Corman réalise l'extraordinaire "Teenage Doll", dans une bataille entre gangs rivaux une jeune femme en tue une autre accidentellement, elle sera poursuivi toute la nuit, dans les endroits les plus sordides, par le gang rival. Le film est génial, sa réputation de premier film où on voit autant de culottes n'est pas usurpée mais ce ne sont pas, bien sur, ces qualités qui en font un grand film (bien qu'une telle gifle aux codes encore en vigueur soit rafraîchissante), plutôt son ambiance, son rythme (l'action se déroule sur une nuit, si ça vous rappelle "After Hours" ne vous étonnez pas), le choix d'être non-politiquement correct (un aveugle s'avère être un dangereux pervers), bref, hautement recommandé. Suivra le très chiant "Carnival Rock", sans intêret, puis le moyen "Sorority Girl" dans lequel Corman avoua avoir appris quand utiliser un gros plan (je ne me souviens pas de l'anecdote exacte, mais je crois qu'il s'agit de l'actrice principale, Susan Cabot, qui réussie une performance exceptionnelle en simulant une crise de nerf plus que réaliste, quand Corman lui demanda de recommencer pour pouvoir faire quelques gros plans, alors qu'il avait tout tourné en plans larges, elle était épuisée et incapable de le refaire, la leçon est retenue, il faut toujours commencer par faire les gros plans, si la performance est moins bonne pour les plans larges, en reculant encore plus la caméra, on le verra moins). Corman continu la même année avec "War of the Satellites", histoire classique d'ET qui voudraient qu'on arrête de jouer avec nos satellites et nos fusées (une belle scène, néanmoins, un ET qui s'est cloné en humain, ne s'aperçoit pas que sa main est en train de brûler à la flamme d'un chalumeau, elle se carbonise complètement et se régénère, ce qui, bien sur, le trahit). |
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...un colossal navet... |
Le film suivant "The Saga of the Viking Women and Their Voyage to the Waters of the Great Sea Serpent" (ouf) est un colossal navet, de l'aveux même de Corman, qui ne comprend toujours pas comment ils ont pu se lancer là dedans avec seulement 110000$ et 10 jours de tournage, ils croyaient pouvoir tourner l'histoire de femmes Viking qui prennent un Drakkar pour retrouver leurs maris disparus, tout ça avec un serpent de mer, des tempêtes et un tourbillon géant, avec si peu d'argent et de temps. La mission était impossible, le résultat est assez catastrophique, mais, comme souvent, cette série Z faite avec une certaine motivation, peut provoquer le sourire ou le rire, selon l'état d'ébriété du spectateur. Ceci dit, il n y a aucun doute, c'est un colossal navet. Mais, j'ai vu bien pire, et comparé à de nombreux peplums ou films d'aventure complètement fauchés (bien que bénéficiant souvent de moyens très supérieur à "Viking Women") on a ici une volonté de faire le maximum, le mieux possible, c'est une des constantes de l'oeuvre de Corman, peu de moyens mais une envie de faire les choses vite et bien. Un précepte qu'il essaiera, et qu'il essaye toujours, d'inculquer aux réalisateurs qu'il produit. |