Vous avez un mess@ge

Vous avez un mess@ge

de Nora Ephron
1998 - 2h00 - USA ("You've got mail")
avec : Tom Hanks (Joe Fox), Meg Ryan (Kathleen Kelly), Parker Posey, Greg Kinnear, Jean Stapleton, Steve Zahn
scénario : Nora Ephron, Delia Ephron, d'après la pièce "Parfumerie" de Miklós László et le scénario de Samson Raphaelson pour "The shop around the corner" (Lubitsch, 1940)
photo : John Lindley
musique : George Fenton

Thierry Bézecourt, 23 janvier 1999 :

Bienvenue sur AOL <VOTRE SUJET ICI>

Bonjrou Mademoiselle,

elle est bizarre votre adresse, fr.rec.cinema.discussion, mais un copain m'a dit qu'on pouvait avoir une correspondance avec vous. Et justement j'ai vu ce soir un film où un homme a une correspondance avec une femme par internet. Alors ca serait bien si on pouvait se parler sans faire connaissance comme ca, et anonimement.

Le film s'appelle vous avez un message. C'était un super film avec tom Hanks et maigrie Anne :-))))))) . L'histoire est très émouvante. Quand la femme rentre chez elle après avoir attendu son ami qui n'est pas venu au restaurant (enfin si, il est venu mais il ne s'est pas fait reconnaitre, j'ai pas bien compris pourquoi), elle est vraiment malheureuse et très émouvante quand elle se jette sur son lit. Et elle est très belle, toujours bien coiffée meme quand elle et malade.

Lui aussi, au début c'est un homme d'affaires sans scrupules qui veut ecraser le petit commerce avec ses supermarches de livres qui montrent bien ce que le futur nous reserve si on continue comme aujourd'hui à reprimer la culture. D'ailleurs, je me sentais un peu gene, parce que j'ai vu le film dans un de ces grands multiplexes qui étouffent les petits cinemas. Mais plus tard, sans vouloir dévoiler la fin (ils tombent dans les bras l'un de l'autre à la dernière scène), il regrette d'avoir fait tant de mal, ce qui est plutot une bonne morale.

Alors n'hesite pas à correspondre avec moi si tu ressembles à l'actrice , si tu es sur AOL comme elle, si tu as des lèvres rouges comme le sang et des yeux bleus comme le ciel. (mais ça ne me dérange pas si tu as un peu plus de poitrine qu'elle.)

S'il vous plait je voudrais que nous restions anonimes donc ne lisez pas ma signature SVP. Mon ordinateur la rajoute toujours a la fin de mes messages , et je ne sais pas comment l'enlever. Ca m'enerve.

--
Thierry Rubis <thb@yours.com>
"Oh, thank you, Mr. Matuschek, thank you !"


Aurélie Baruchel, 25 janvier 1999 :

MALGRÉ LA CRITIQUE un peu réticente de Télérama, j'ai été enthousiasmée par ce film. Certes, il est romantique et fleur bleue, mais l'enchaînement de l'intrigue (bien que non inédite), des répliques, des situations et surtout les décors et les musiques qui respirent la joie de vivre m'ont transportée. D'accord tout le monde y est beau et finalement gentil, d'accord ça n'est peut être pas très réaliste, mais ça fait du bien ! D'autant plus que c'est très bien joué et filmé, comme beaucoup de film américains... Et si j'adore les films des jeunes auteurs français, j'avoue qu'il est très plaisant de se laisser porter par cette grâce, cette confiance en soi dont témoigne la comédie américaine dans son aspect le plus classique, retrouvé et modernisé ici avec talent. Voilà qui est dit ! Qu'en pensez vous ? Et en tout cas si vous avez envie de vous dorloter le moral, allez-y !


The shop around the corner

Frédérique Voisin-Demery, 17 février 1999 :

Analyse critique comparative de "The shop around the corner" (1940) et "Vous avez un mess@ge" (1998)

THE SHOP AROUND THE CORNER" raconte l'histoire de Kralik (James Stewart, qu'est-ce qu'il est jeune !) et Klara Novak (Margaret Sullavan), deux vendeurs chez Matushek and Co., un magasin de Budapest. Les deux protagonistes ne s'aiment pas vraiment dans la vie. Pourtant, ils ont une relation épistolaire dans laquelle ils s'apprécient, mais ne le savent pas, car ils ne connaissent pas l'identité de leur correspondant.

Dans "Vous avez un message", Kathleen Kelly (Meg Ryan, toujours charmante) tient une librairie pour enfants, mais celle-ci est menacée par l'arrivée d'un mégastore, dont le propriétaires est Joe Fox (Tom Hanks, pas trop mou et pas trop niais). Du coup, les deux personnages se détestent, tout en s'appréciant à leur insu via une relation par e-mail, dans lequelle ils ne se connaissent que par leur pseudo.

Le problème du film de Lubitsch (tout comme ce sera peut-être le cas pour celui de N. Ephron dans quelques années) est que l'arrière-plan du film est un peu dépassé. Dans "Vous avez un message", l'histoire entre les deux personnages se situe dans un contexte de lutte entre deux magasins : un mégastore et un petit magasin. On voit comment se construit le mégastore, la vie de la petite boutique et les stratégies mises en oeuvre pour survivre, c'est d'actualité, ou au moins de notre temps. En revanche, le film de Lubitsch décrit la vie d'un magasin dans les années 40, et c'est cela qui forme l'arrière-plan : on voit le coursier, le propriétaire, les vendeurs, les vendeuses. L'histoire permet de voir la progression d'un employé au sein d'un magasin : Pepi le coursier qui va passer vendeur, Kralik le vendeur qui se fait virer gentiment avant de devenir gérant, etc. Le problème est que ce fonctionnement est dépassé aujourd'hui, on a du mal à s'y reconnaître, à s'y attacher.

[Dans "Vous avez..."],
on s'y sent bien,
l'ambiance est chaleureuse,
on aimerait y être.



De même, les décors, très attachants dans "Vous avez un message", nous sont éloignés dans "The Shop around the corner". Le magasin de Meg Ryan est très chaleureux, tout comme son appartement garni de coussins, de fleurs, etc. En revanche, le magasin de Matushek & Co. ne ressemble plus à ce qu'on voit de nos jours, difficile de le trouver sympathique, ainsi que la description que fait Pirovitch (équivalent du copain de Tom Hanks dans "Vous avez,..." ) de son appartement. Une bonne partie de l'attrait du film de N. Ephron réside justement dans l'ambiance du film : on s'y sent bien, l'ambiance est chaleureuse, on aimerait y être, ce qui n'est pas le cas pour le film de Lubitsch.





"The Shop..." va un peu
plus loin au niveau des
personnages

En revanche, "The Shop Around the Corner" va un peu plus loin au niveau des personnages que "Vous avez un message". En effet, les relations entre personnages sonnent faux chez N. Ephron. Par exemple, les relations de Tom Hanks avec son père, ou Meg Ryan avec sa mère devraient nous émouvoir, ont l'ambition d'être justes, mais tout cela sonnent faux, on n'y croit pas. Ces scènes paraissent parachutées pour créer une émotion, pour étoffer articiellement les personnages, pas étonnant que ça ne marche pas. En revanche, les relations entre Matushek et Kralik (le patron et le vendeur) sont parfaitement crédibles, on ressent bien le sentiment d'abandon de Kralik et la distance de Matushek. Les personnages secondaires sont aussi bien plus épais dans "The Shop ...." : le personnage de Pirovitch qui évoque sa famille, Pepi qui fait des blagues au téléphone, ou Vadas le lèche-botte ont une vie, sont pour certains attachants, sans parler de Matushek, qui est au centre d'une intrigue secondaire. Tout cela est loin des caricatures de "Vous avez ..." : le père de Tom Hanks, ridicule ; la copine de Tom Hanks, trop hystérique pour être vraie ; l'ami de Tom Hanks, simple subterfuge pour caser la scène du restaurant. Seul le petit ami de Meg Ryan trouve grâce à mes yeux, parce qu'il est drôle.

Il y a de grosses différences dans l'histoire, puisque le contexte et les personnages sont différents. Néanmoins, dans les deux cas, il s'agit de deux personnes qui se détestent dans la vie, mais s'aiment via une correspondance anonyme. Le film de N. Ephron est construit sur un parallèle entre Tom Hanks et Meg Ryan : on les voit tous deux lisant leurs messages en cachette, tous deux avec leur petit(e) ami(e) respectif(ve), tous deux lors de la rupture, tous deux dans leur magasin, tous deux en relation avec leurs parents. Le film de Lubitsch n'est pas tout à fait construit ainsi, ce n'est pas si flagrant : Kralik et Klara échangent leur rôle de chômeur, ce qui leur permet d'être tout à tour en position de force vis-à-vis de l'autre, et d'être désagréable. Bien sûr, la scène où chacun doit aller au rendez-vous instaure elle-aussi un parallèle, mais je pense que ça s'arrête-là.

Le film de N. Ephron reprend deux scènes du film de Lubitsch. Tout d'abord la scène du restaurant : les deux inconnus qui s'écrivent ont convenu d'un rendez-vous. La fille est là la première, et le garçon arrive accompagné d'un ami qui lui dit que la fille est en fait celle qu'il déteste. Après maintes tergiversations, le type décide d'y aller et se fait copieusement rabrouer par la fille, qui saisit là l'occasion de lui dire des méchancetés. C'est assez bien amené dans le film de Lubitsch, car à ce moment-là, Kralik n'est plus le supérieur de Klara, elle peut donc lui parler tout à fait librement. On retrouve dans cette scène le livre et la fleur en guise de signe de reconnaissance, et c'est à partir de cette scène qu'il y a un déquilibre dans la relation : le personnage féminin ne connaissant pas l'inconnu qui lui écrit, l'inverse étant faux.

The shop around the corner (vidéo US)

Ensuite, l'autre scène est celle de la visite chez la fille malade. Contrairement à Meg Ryan, Klara est terrassé par une peine de coeur (pas de lettre de son inconnu) et non pas un rhume, mais c'est toujours l'occasion pour le type de se montrer un peu sympathique.

Enfin, la fin n'est pas tout à fait la même : le film de N. Ephron choisit l'"autre" fin du film de Lubitsch. Dans les deux films, le personnage masculin réussit, lors d'une conversation, à se faire apprécier du personnage féminin, alors même qu'elle a rendez-vous avec l'inconnu juste après. Alors que Kralik dévoile la supercherie lors de cette conversation, créant et saisissant les occasions opportunes au cours du dialogue, Tom Hanks laisse partir Meg Ryan et la rejoint plus tard lors du rendez-vous. Elle découvre alors qui est l'inconnu et lance un on-ne-peut-plus mièvre "J'espérais que ce serait vous". Ils s'embrasent dans le jardin plein de fleurs, musique avec des violons. Pfff, que c'est lourd, comparé au film de Lubitsch qui glisse au moment de la révélation un petit trait d'humour pour éviter le côté mielleux du tout-est-bien-qui-finit-bien.

Néanmoins, la fin de "Vous avez un message" peut paraître plus proche de nous que celle de "The Shop ..." : Kralik et Klara vont se fiancer sans se connaître trop, alors que ça prend du temps à Meg Ryan et Tom Hanks pour s'apprécier.

Bref, "The Shop Around the Corner" plus étoffé au niveau des personnages et plus juste au niveau des sentiments a du mal à nous accrocher à cause de son contexte qui date un peu. Néanmoins, James Stewart a bien plus de présence que Tom Hanks, ce qui contrebalance le côté un peu désuet du film. "Vous avez un message", malgré son côté simpliste, est plus ancré dans l'air du temps, ce qui le rend sympathique. Et Meg Ryan me semble plus charmante que Margaret Sullavan.

Le coin du bourreau des drosophiles :

"Vous avez un mess@ge" est donc le remake de "The shop around the corner" (titre français : "Rendez-vous") de Lubitsch en 1940, avec James Stewart et Margaret Sullavan.

Entre temps en fut réalisé une version musicale : "In the good old summertime" par Robert Z. Leonard en 1949, avec Judy Garland et Van Johnson.

Par ailleurs, le titre "You've got mail/Vous avez un message" est ce qu'une charmante voix féminine dit aux abonnés d'AOL quand ce moment magique survient...

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