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Titanic
de James Cameron
1997 - 3h15 - USA ("Titanic")
avec :
Leonardo DiCaprio (Jack Dawson),
Kate Winslet (Rose DeWitt Bukater),
Billy Zane (Cal Hockley)
sc�nario : James Cameron
photo : Russell Carpenter
effets : Digital Domain
musique ( ) :
James Horner
Sébastien
Barré, le 14/01/98
(note : cet article a été posté sur
fr.rec.cinema.discussion
une semaine après la sortie du film, alors que la France n'était
pas encore atteinte de Titanic-mania. Inutile donc de me qualifier d'opportuniste
en me rangeant maintenant dans les anti-Titanic : mon opinion, certes
vive vue avec le recul, était déjà faite à
l'époque) :
ITANIC",
ou "comment combler le vide sid�ral d'un sc�nario et
l'indigence compl�te des personnages � coup de millions, et le tout sur
une musique qui vous transforme n'importe quelle corde sensible en câble
de paquebot ".
"Titanic", ou "le didactisme � l'am�ricaine
pouss� dans ses plus beaux retranchements, le pr�-mach� pour non-comprenants
enfin explicitement montr�, et sûrement complètement assum� ".
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Pull !
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Attention, je vais dévoiler quelques éléments du
scénario. Mais sachant qu'il n'y a pas de véritable histoire
dans ce film, je ne sais pas exactement si le terme s'impose. Disons qu'il
va falloir redéfinir une "échelle de divulgation".
A cette échelle, celle de "Titanic", révéler
quand et comment Untel ouvre la porte de sa cabine rel�ve d'une honteuse
divulgation tant il s'agit en fait d'une sacr� action remise dans son
contexte.
Attention (bis), je risque h�las d'exagérer un peu dans mon article
(voire de m'�garer), car ce d�luge commence déjà � me lasser,
et franchement je préfère ne pas prendre tout cela aussi
sérieusement que la nu�e de fan tomb�e pour la guerre depuis une
semaine. Inutile donc de répondre sur certains passages qui vous
apparaissent quasiment de mauvaise foi, car il se peut que cela soit fait
expr�s (le grand jeu consistant � trouver o�). Et je suis bien conscient
que de reprocher à une production Hollywoodienne un singulier manque
d'intelligence revient à tirer sur une ambulance à coup
de missiles trans-continentaux.
Dernier point, j'ai sûrement oubli� certain "on "
et "vous ", qu'il faut transformer par "je
me " (eh oui, je parle en mon nom), etc., inutile donc de prendre
tout cela pour "personnel", comme insulte à votre chaire
de fan : on a l'impression que fr.rec.cinema.discussion
se d�couvre soudainement 12000 co-réalisateurs de "Titanic".
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Plouf
Manque de profondeur, c'est paradoxalement ce qui va revenir le plus
souvent dans la bouche des détracteurs du bateau le plus encombrant
du net. Car de sc�nario, il n'y en a point. Certes, on la connaît
la trag�die, mais de suspens sur plus de 10 minutes, nib. Z�ro. L'histoire
ne semble m'avoir �pargné AUCUN des poncifs du genre, aucune figure
de style :
- le coucher de soleil (elles sont pas belles
mes couleurs num�riques dites ?),
- les pirouettes � l'arri�re de la 4L (et proprement
encore, culbutes dans un nuage de vapeur sensuelle : arriver à
caser une archi-classique scène de copulation à l'arrière
d'une voiture alors qu'on est sur un bateau, il fallait le faire),
- 14 fois la m�me sc�ne de blocage devant une grille (au choix, sous
l'eau, dans l'air, à moitié dans l'eau, � 2, � 3, � 15,
avec ou sans cl�, avec ou sans concours de lancer de bancs),
- le je m'éclate sur le dancefloor chez les pauvres
(enlever ses chaussures, ça fait rebelle, je me tue � le dire,
et c'est vrai, on s'amuse tellement mieux chez les ploucs),
- son pendant traditionnel, le dîner de cons
(invitez un vrai-faux-faible d'esprit propre sur lui � une table de
vrai-cons-snob-c'est-marqu�-dessus... qui va gagner ? euh...),
- une histoire d'Amour sur papier et héros glac�s.
Mais le degré inférieur sera largement atteint par les
personnages, dont la niaiserie crasse confine au Guiness Book. St�r�o-typ�,
manich�en (le gentil artiste pauvre, et le méchant aristocrate
friqué), trop beaux, trop cons, trop propres, trop pr�visibles,
trop chiannnnnnnnnnts. Alors comment un des acteurs tirerait-il
son épingle du jeu � ce compte ? (ah si, peut-être l'Ingénieur).
Nuances dans le jeu : Aucune, un délice de monolithisme. Peinture
de la lutte des classes : pitoyablement caricaturale et populiste,
"tout le monde il est gentil" en bas, tout le monde y s'amuse
("on est pas bien riche, on est pas bien instruit, mais
on rigole bien ! "), pendant que ça pète sec
en haut, sourire pincé, regard méchant, bouhhh la méchante
première classe, bouuuuh, à bas les intellos et les aristos,
vive le bon sens bien de chez nous, et les grosses idées simples.
Et ce d�sir latent de rentabiliser l'investissement : vues d'hélicoptères
virtuels du bateau � tout va, syndrome du "vaisseau spatial en travelling".
"Tu as loup� la chaloupe 24 sur le cot� droit ? allez
c'est bon, je te la re-montre... ". "Tu as mal
vu la chemin�e de la chambre de Rose ? C'est bon, la revoil� ! ".
Le public : "EN ! CORE ! EN-CORE ! ".
Cameron : "Et on applauuuuudiiiiit le retour de la chemin�e
grand luxe ". Et la revoil�. Rire, pleurer, le spectateur hésite.
Jusqu'à la plus petite scène, qui aurait pu être
réussie : "bon, mon petit gars Jack, tu
viens de sauver Rose du suicide, � l'unique force de ta persuasion (bel
exploit oral), t'es un bon gars ". Plan perso sur moi, spectateur :
"wow, cool, une sc�ne en douceur, sans esbroufe, Jake
en fin psychologue. ". Plan sur les pieds de Rose, qui remonte
le bastingage. Plan sur mon front, o� perle la goutte de sueur, l'effroi
me saisit : "non, il va pas oser... ".
Re-plan sur les escarpins, o� une robe commence n�gligemment � venir joueur
les chieuses. "noooooon, il va pas oser ! "
me dis-je. Et SI, IL OSE, elle était remontée, il la fait
tomber ! Au loin, Cameron ricane : "faut pas
déconner, je tenais une bonne cascade, je vais pas m'en priver ! ".
La sc�ne la plus stéréotypée de l'histoire du cin�,
offerte � mes yeux ébahis (de rage). On la voyait arriver � une
telle distance que franchement jamais je n'aurais pensé que Cameron
le ferait. Mais si. James m'a tuer.
Avalez !
Et l� on touche bas au niveau réalisation, mais pas encore le
fond. Car le sol est proche. Le foutage de gueule, en grande largeur.
L'impression qu'on me prend pour un neuneu de premi�re zone. Cette volont�,
plus du tout cach�e et complètement crach�e, de me pr�-macher l'histoire,
de m'expliquer tout ce qui se passe et ce qui va se passer, afin d'appuyer
un discours maintenant classique : "oui mon gars,
tu es au cin�, c'est pas pour réfléchir, alors laisse ton
cerveau au vestiaire, on te clarifie le topo ! ". Et l�,
les exemples sont l�gions :
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"Autrefois, je m'a tombé..."
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1) "Hello, je m'appelle Jack, bon ok Rose, tu es au
bord du bateau, pr�t � bondir, je vais te sauver du suicide, bouge pas,
mais je vais quand m�me te faire une petite tirade sur le fait qu'autrefois
je me suis tomb� dans le trou d'eau d'un lac gel�, et que je m'ai failli
noy� car c'était bien froid. Mais froooooiiiiiiid. Froid quoi. "
Et l�, franchement, on attend rien de moins que le clin d'oeil de Jack
� la cam�ra, tellement le procédé est voyant : "oui
Rose, bon, c'est � dire que je sais, �a n'a rien � voir, car bon, de toutes
façons tu tombes tu t'assommes � moiti� de cette hauteur, et de
toutes façons tu te noies, et puis t'imagines pas qu'on va arrêter
le Titanic pour tes beaux yeux, mais bon, si tu veux, faut tout de m�me
que j'explique discrètement � 20000 mous de l'enc�phale que quand
tu restes dans la flotte � 5� pendant une demi-heure, tu meurs. Ben oui,
comment tu veux qu'on comprenne le coup de l'�tendue (fort esth�tique
au demeurant) de poissons pan�s humains � la fin ? ". Rose, en
aparté : "Ah ok... ". Moi, dans
mes chaussures : "Ah c'était donc pas la
faute � Mister Freeze ? ".
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2) Rose est une farceuse. Quelle cachottière, elle nous dissimulait
des talents de math�maticienne. Bref, "je m'appelle
Rose, bon, je suis un peu �mute en ce moment, car un tube de Clairasil
d'1m70 me poursuit de ses assiduit�s sur un bateau. J'en suis toute émue.
N�anmoins, j'ai tellement fait le tour du bateau depuis mon arriv�e, que
j'ai compt� les chaloupes. Ça m'occupe (demain je compte les boulons).
Et ensuite j'ai regard� la notice technique du bateau (situ�e derri�re
la porte de mes toilettes), o� j'ai trouv� la capacit� des chaloupes.
Mais l�, oh non !, je n'étais point satisfaite, car j'ai pris alors
sur moi de multiplier les 2 chiffres. Bon, ça donne un sacr� gros
chiffre, et l� le hasard fait bien les choses, car j'avais un aut' gros
chiffre sous le coude : le nombre de passagers (oui paske on vient quand
m�me de le répéter d�j� 16 fois depuis le début du
film). Alors je me suis permis de les comparer, hein, comme ça,
et puis je m'suis dit, j'vais en faire une petite causette sur le pont.
Hein. Comme ça Voil�. Ah bon, vous étiez l� ? Vous regardiez
le film ? Ah ben OK, oh ben �a sera toujours �a de compris pour la fin,
hein ? ".
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Donnez le plutôt à
un refuge...
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3) De son cot�, Jack n'est pas en reste cot� blague. Quel fin menteur
celui ci. Nonobstant ses talents d'artistes ("vous pensez
pas que j'allais draguer mon monde avec un CAP de plombier ?!? Oui bon
OK, j'aurais eu l'air moins b�te attach� par des menottes sur une conduite,
mais on aurait pas eu le coup de la hache non plus, hein ? ".
(note de la rédaction, c.a.d. moi : le coup de la hache, �a
m'a bien réveillé, car j'avoue avoir secrètement
esp�r� certaines choses, espoir déçu peu apr�s mais bon),
bref, nonobstant ses talents d'artistes, Jack était autrefois tout
bonnement ingénieur en chef de paquebot !! Ben si. Eh ouais.
Donc, quand un de ses potes (l'Ingénieur en Chef, le vrai), passe
� cot� de lui avec 3 sous-fifres, en tenant 3 plans � la main et en parlant
de soupapes 3B12 de diam�tre 22 qui g�nent les cloisons étanches
hydro statico mécanique et-je-rajoute-un-terme-technique, sa vraie
nature revient au galop. Jack : "Bon, on vient
d'heurter un iceberg, mais je crois qu'un commentaire bien senti s'impose.
Haha, ils vont voir ! ". A voix haute cette fois, bien en face
de la cam�ra (ah, putain de mèche qui g�ne) : "C'EST
GRAVE ! ". Ah, ok Jack. Bon, si c'est grave, ah ok, bon ben
alors on est bien convaincu maintenant.
Mais la palme, la grande palme de la plus grosse perche lanc�e au Spectateur
Inconnu pour qui le Titanic n'est sans doute qu'un gros gâteau gaufré
en forme de triangle recouvert de chocolat, c'est l'inénarrable
(mais narr�e) séquence d'image de synth�se du d�but. Alors l�,
on perce la croûte terrestre de l'affront � l'évolution depuis
la pr�histoire, c'est la descente avant la descente : "Ah
mais oui les enfants, le gros bateau il a bien coul�, mais étant
donn� que j'ai boss� gratos pendant 3 ans 1/2 pour t'en mettre plus les
mirettes, tu te doutes que tu vas voir qu'� la fin ça va bastonner
fort. Tellement fort que je vais tout de suite t'enlever le moindre doute
quand � la v�racit� des cascades, car regad' bien le n'ordinateur, il
va tout te montrer comment que ça s'est pass� (et ça VA
se passer). OK. Bon, tu y es maintenant. Non paske moi j'ai un gros bateau
� faire péter, alors bon, c'est fini l'épisode GameBoy didacticiel,
on peut dire que tu es bien pr�par�, tu as eu ton petit biscuit pour te
mettre l'eau � la bouche, alors on y va ! ".
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"Fais semblant de rire Rose
!"
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Marre d'�tre pris pour un con, marre qu'on m'explique ce qui va se passer,
marre de parier sur l'inculture d'un spectateur moyen. Et je passe le
proc�d� initial (le coup du diamant, et que je fais revenir Rose, etc.),
du politiquement correct ("oh, Rose, je te montre tout
mes croquis, la blague de l'unijambiste c'est bien marrant-de-rire-drôle-avec-de-l'humour,
mais tu crois pas que je vais maintenant te montrer une handicapée
à l'écran devant tout le monde en plein écran "),
les Bon-Dieu'zerie imparables (le bon pr�tre qui me récite une
bonne moiti� de la bible en haut du bateau, avant de finir en cr�pe suzette
comme tout le monde en bas), l'habituel petit message moraliste (Bill
Paxton, le chasseur d'épaves sans coeur, avouant qu'il n'avait
rien senti (venir ?), il se confie et en haut de l'écran, en belles
lettres de feu, flotte le doux mot de "rédemption").
A vomir. Et autres vaste conneries.
J'oubliais la musique : depuis "Lost Highway" j'ai promis
que je ne dirai plus rien sur la musique. Gouts, couleurs... Sauf si c'est
Serra. Dans ce cas tir à vu. Ici, je ne donnerai que ma conviction
profonde, complètement subjective, qui ne vaut dont rien, et qui
en fait reside dans l'impression d'avoir subit une sodomie auditive �
coup de sirop d'érable. Étrange. Céline, fais de
la moto sans casque, s'il te plaît.
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"Ai-je bien débranché
le gaz ?"
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Pied tardif
BON, ceci �tant, vous l'avez compris � mes propos, je tiens "Titanic"
pour un vaste pi�ge, une machine quasiment imparable, surfant gaiement
sur les cimes du sentiment bon march� et des violons qui démarrent
au bon moment, le tout pour m'arracher � la fois un peu d'argent ("car
si vous n'avez pas lu toutes mes interviews, vous devez tout de m�me savoir
que moi James Cameron j'ai boss� gratos pendant 3 ans 1/2, merde, ça
prouve qqchose "), de larmes, et de joyeux moments.
Car je ne conteste vraiment pas qu'on puisse se prendre au jeu. Vraiment.
Mais il y a un seuil, qu'il faut que le fan saisisse quand il trépigne
de rage et tape avec ses petits poings sur le clavier en maudissant le
blaireau qui n'a pas aim� SON film (le meilleur du monde), qu'il a vu
avec SES yeux (la meilleure paire du monde), et qui l'a remplit de SA
joie (bon l� celle-l� je lui laisse) : quand on a suivi 1000 histoires
identiques, et qu'on en a appr�ci� un tout aussi grand nombre bien plus
fine, il est difficile, m�me en se répétant trois fois "chui
l� pour m'détendre, chui l� pour m'détendre, surtout ne
pas analyser, surtout ne pas analyser... " de ne pas trébucher
sur les HENAURMES ficelles de ce film, et de finir au bas d'une montagne
d'ennui profond. Et quant l'épaisseur des personnages rivalise
avec la finesse du kleenex distribué à l'entrée,
on ne peut que s'étouffer de désespoir devant un monde aussi
factice. "Oui mais il y a le spectacle, les images ".
Or il y a qqchose qui échappe encore � ce fan, c'est que "nouvelles
images" ne veut pas dire "pas d�j� vu".
Je vais finir cet article par ma part d'honnêteté : si j'ai atteint des
abîmes de chiantitudes pendant 1h30 (avec tout de même un coup de
chapeau pour la salle des machines), pour ensuite décoller 10 mn
pendant le choc de l'iceberg (superbe), et retomber rapidement dans la
vase pour 1 heure, j'avoue avoir pris mon pied pendant les 20 dernières
minutes.
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Plouf... cassé.
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Mais l�, au moins, je sais vraiment pourquoi : Cameron � mis les chaudi�res
� fond, et c'est l'habituel bouquet final. Images ahurissantes, réalisation
un peu plus enlev�e (yeah James), photo excellente (mais depuis le début),
atmosph�re sonore convaincante, assauts, h�las gluants, des violons, bref,
lobotomie compl�te de ma part, impossible pour moi de ne pas �tre aval�,
et d'ailleurs je me suis laisser faire (je n'étais m�me pas en
état de résistance, je rappelle aux vifs d'esprits que je
n'ai pas encore les moyens de mettre 37 FF pour aller descendre un film).
Donc ? Et bien je ne conteste pas que cela soit purement agr�able � cet
instant t, mais le film est bien toujours le m�me, avec ses terribles
maladresses, son poids, mis � part que cette fois j'ai pass� la barri�re,
je suis devenu un fan, mais 2h plus tard que vous (et que je ne le suis
pas rest�), avec cette sale impression honteuse de bouffer un gros hamburger
cin�matographique.
Alors oui, les derni�res minutes sont splendides, bien s�r les effets
sont faciles, mais c'est du "jamais-fait", alors je ne boude
pas mon plaisir. Quant � la sc�ne finale, elle est très poignante.
Mais ces 20 mn valaient-elles tout cela, rep�cheront-elles mon appr�ciation,
l'impression d'avoir �t� traîné attach� � l'ancre du gros
bateau à racler les fonds (marins) de la finesse cin�matographique
?
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