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Fort Sagannede Alain
Cornau Vincent Fournols, 21 février 1998 :
Pinaillons d'abord sur le plaisir et disons que les principales faiblesses du film tiennent paradoxalement à ses principaux interprètes : Depardieu est relativement crédible dans le rôle-titre (sauf dans la séquence parisienne), mais Deneuve, dont la carrière mériterait à mon humble avis une "relecture" critique, interprète une fois de plus un personnage artificiel et sans âme, faite de passion construite. Sophie Marceau insuffle bien cette passion incarnée, mais son rôle est un des moins intéressants de tous ceux qui nous sont présentés. Et Noiret remplit son prévisible rôle de prédilection, en officier supérieur intraitable et lucide. |
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Le film dresse
le portrait d'une |
Mais tout cela reste mineur : Saganne est d'abord une épopée magnifique, qui, sur tous les tableaux, joue de deux principes complémentaires : d'une part le dépouillement et l'âpreté qu'appelle le désert, cadre essentiel du récit, et d'autre part la richesse du propos et de son illustration. D'Afrique du Nord au Gers, du fleuve Sénégal aux tranchées de la Grande Guerre, le film accompagne le personnage de Charles Saganne pour brosser une destinée humaine au sein de l'aventure de la colonisation avec ses tensions contradictoires, pour dresser le portrait d'une époque avec un souffle rare dans le cinéma français. Cette dualité, magnifiquement illustrée, s'articule également autour des personnages. A la figure centrale de Saganne répond une pléthore de personnages dit secondaires, remarquablement campés, imagés, marquants et crédibles quant à eux : Emabarek "Alouette", Hippolyte Girardot en médecin violoncelliste alcoolique, Robin Renucci en dandy juif arabophile, Duchaussoy en militaire borné et apoplectique, Roger Dumas en brave adjudant, Jean-Louis Richard en légionnaire défait et trop lucide, Florent Pagny en frère déchiré, Philippe Deplanche en officier catholique écartelé, Amajar, etc. Autre complémentarité réussie par le film : en écho à l'amplitude des territoires traversés, il ose et réussit le pari de la durée. Les différentes dimensions du temps y sont bellement orchestrées comme métaphore de l'espace du désert, de la lenteur du soleil, et le temps des âges de la vie. Les images elles-même s'appuient sur cette durée, pour dépasser leur stade de beau catalogue et être agencées comme une partition avec ses thèmes et ses variations. Les remarquables maîtrise et réussite de l'ensemble n'en font que plus regretter les faiblesses évoquées plus haut. |