Ceux qui m'aiment prendront le train

Ceux qui m'aiment prendront le train

de Patrice Chéreau
1998 - 2h03 - France ("Ceux qui m'aiment prendront le train")
avec : Pascal Greggory, Jean-Louis Trintignant, Valeria Bruni Tedeschi, Charles Berling, Bruno Todeschini, Vincent Pérez, Dominique Blanc, Sylvain Jacques, Roschdy Zem

Florence, 3 juin 1998 :

J'AI VU ce soir un film intelligent et sensible, intimiste et extraverti à la fois : "Ceux qui m'aiment prendront le train", filmé par saccades, par plans parfois un peu obtus mais néanmoins originaux par un Chéreau audacieux et innovant.

Quoi de plus captivant que de voir, d'entendre converser après un enterrement - on se souvient notamment du succès de la pièce de Yasmina Reza - ? Quoi de plus intéressant que de réunir dans le même train, puis dans la même maison, des caractères aussi hétéroclites que disparates, des vies aussi éclatées que compliquées ?

Les personnages confrontent tous leur existence à l'absent le plus présent du film : Jean-Baptiste, un artiste équivoque entraînant autour de lui une flopée de destins tous teintés d'une humanité flagrante et exacerbée, tous marqués par la complexité d'achèvements qui n'arrivent - presque - jamais, dans le jeu des accomplissements et de l'affirmation.




...ceux qui l'aiment essaieront
de se dépatouiller avec le
thème le plus prégnant du
film : l'amour précisément.

Ceux qui l'aiment prendront le train - drôle d'épitaphe, vous ne trouvez pas ? -, ceux qui l'aiment se réuniront après sa mort autour de sujets soit futiles, soit existentiels, ceux qui l'aiment essaieront de se dépatouiller avec le thème le plus prégnant du film : l'amour précisément.

Bien sûr, d'aucuns qualifieront ce film d'inutilement intimiste et nombriliste. Il reste néanmoins que - et ce n'est pas un mal - le cinéma français comme américain se préoccupe de plus en plus du personnage : on avait de beaux exemples dans "Smoke" - inspiré du grand Paul Auster -, on retrouve dans "Jackie Brown", dans "The Big Lebowski" ou dans l'excellent "Petits désordres amoureux" des préoccupations similaires. Ce ne sont pas les numéros d'acteurs, même si certains sont réussis, notamment celui de Vincent Pérez - qui comptent seuls, mais aussi la tendresse du cinéaste pour ses personnages, cette réflexion supérieure qui donne du relief aux esquisses et qui relie toutes les pièces d'un pour le moins éclaté, qui restitue une vision de la vie dans son ensemble.

C'est un peu le pari - réussi - du film de Chéreau qui nous entraîne de fait dans une atmosphère particulière mais jamais étouffante, avec un fond musical plutôt étonnant -on passe des Doors à Catherine Lara-, sans pour autant tomber dans la vile caricature, traverse pour le moins dangereuse, surtout quand on décide de toucher à l'homosexualité, à la drogue et aux travestis.

Étonnant.

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