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Vampiresde John
Carpenter Kronos, le 22 avril 98 et le 28 octobre 99 :
Les images trafiquées. Non content d'utiliser des décors minimalistes (étendues désertiques, hôtel curieusement vide, motel miteux, ville abandonnée et poussiéreuse, prison aux barreaux rouillés, maison mexicaine aux planches pourries) il joue avec les images en utilisant, comme pour accentuer l'irréalité, des filtres dégradés. Peut-être pour nous dire, vous êtes au cinéma, c'est un monde de fiction, voilà de qui, ou plutôt de quoi, il est peuplé. Cette impression est renforcée par les hommages à un genre apprécié par Carpenter, le western crépusculaire, celui de Leone, de Peckinpah, ou même de Hawks sur ses derniers films. D'autant plus que Carpenter ne bégaye pas son cinéma, ne souhaite pas avoir l'air réaliste, il utilise tous les moyens à sa disposition avec toujours autant de talent, "Vampires" n'est pas fait dans la facilité : tout les plans sont très travaillés (la sortie de vampires, caméra au ras du sol), le montage complètement en phase avec l'action (la scène de l'ascenseur dans la prison est une des plus réussie du film, la vitesse du vampire, le montage nerveux, m'ont laissé les jambes en coton), travellings, plongées, contre plongées, tout y est. Les faux rythmes. Démarrant par une scène classique du cinéma d'épouvante, un nettoyage de nid à vampires (scène géniale, ficelée de main de maître, donnant déjà le maximum d'information sur les protagonistes, en fait, en quelques plans, tout est dit), Carpenter laisse retomber le film dans le rythme plus lancinant d'une course poursuite lasse, on n'est plus "bercés" par le feu des arbalètes, le crépitement des PM, mais par la régularité du cycle jour/nuit, la régularité des gestes de Crow, nettoyant les lieux du massacre. Crow n'a plus d'équipe, il sait qu'il est trahi, son rythme habituel de chasseur de vampires (massacre / repos du guerrier / massacre etc.) est troublé. Les choses changent, on n'assistera pas à des tueries en série comme dans tout bon film suivant la recette à la lettre, mais à quelque chose de plus pernicieux, un grain de sable a bloqué la machine. |
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![]() Ceeeuuuh soir on vous mééé |
Ce rythme de vie aussi simple et simpliste que Jack Crow lui-même, il va tout faire pour le retrouver, pour se raccrocher à ce qu'il connaît, à ce qu'il maîtrise. Une fois le maître vampire éliminé, il laissera partir son ami, mordu, afin qu'il recrée un environnement où Jack Crow sera à l'aise, les vampires ne doivent pas disparaître, ils doivent continuer d'exister, afin que Jack Crow, lui-même, existe encore. Et surtout un monde dans lequel il pourra continuer à jouir, parce que ce qui fait jouir Jack Crow, ça n'est pas le sexe, ni la fête clôturant le massacre (il pense déjà au prochain quand il accueille Sheryl Lee, pourtant diablement avenante, avec une lassitude très explicite), ce qui fait jouir Jack Crow, c'est la vengeance, tuer du vampire, il n'y a que ça. Jack Crow justement, l'antihéros selon Carpenter, une brute, un être
violent, franchement négatif, à l'humour au ras des pâquerettes,
un abruti en quelque sorte. C'est un peu déstabilisant, on est plutôt
habitué à des super-tueurs cachant derrière leurs lunettes
noires et une collection d'armes impressionnante, un humour tout en finesse,
une philosophie rassurante, un minimum d'intelligence, bref, du complaisant.
Rien de tout ça chez lui, c'est une bête, qui ne sait rien faire
d'autre que traîner des vampires sous le soleil. James Woods l'interprète
à merveille, à cent lieues de ses rôles habituels. On
peut étendre cette notion à son coéquipier, pas malin
lui non plus (le regard vide et la bouche entrouverte de Daniel Baldwin font
merveille), encore plus dépendant que Crow, il l'avoue lui-même
en déclarant à Crow : " Et les vampires, des animaux assoiffés de sang, même le plus fort, celui qui est censé être un meneur intelligent agit comme une bête, poursuit (à l'instar de Jack Crow) toujours le même but, il ne vit que pour ça. Les prêtres ? Ils ne valent pas mieux, simples exécutants, marmonnant des prières auxquelles ils ne croient pas, même le plus gradé, sensé être le plus fin, n'a qu'un but, d'une vanité incommensurable, devenir immortel. |
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La pute ? Un simple jouet, baladée d'un lieu à l'autre, comme une radio
portable. Ce serait donc ça que veut dire Carpenter, le monde du cinéma
n'est plus peuplé que de vampires bestiaux, de tueurs sans autres buts,
de dirigeants avides de pouvoir, et de putes décérébrées ? C'est bien possible,
c'est la première fois que je vois un de ses films aussi noir, aussi sombre,
sans avenir. Carpenter, je l'espère, y croit encore. Heureusement, il
y a le cinéma, comme je le disais au début, Carpenter prends tout de même
un énorme plaisir à filmer, il joue avec de nouveaux travellings, place
ses caméras différemment, se fait plaisir à grand coup de maquillages
(arrrgh, le gars coupé en deux), peuple son film de petits gadgets visuels
très efficaces (l'arbalète, les harpons), bref, on à quand même l'impression
qu'il s'amuse, qu'il prend plaisir à filmer son manque d'espoir. Mieux
que cela, incapable d'écrire un scénario autrement que sombre, Carpenter
trouve le seul remède à son mal, il filme avec plaisir. Ouch, enfin un
peu d'espoir. Et puis, en cherchant bien, on peut toujours trouver quelques
petits indices, il y a dans le film un petit rôle tenu par un scénariste/réalisateur
qui continu à lutter au sein même d'Hollywood, Carpenter lui rend son
petit hommage, c'est un bon (petit) signe. On peut aussi voir la toute
fin comme un peu d'optimisme, quelque chose du style " Autres liens : |