Merci la vie

Merci la vie

de Bertrand Blier
1991 - 1h57 - France ("Merci la vie")
avec : Charlotte Gainsbourg, Anouk Grinberg, Michel Blanc, Jean Carmet, Annie Girardot

Vincent Fournols :




...il en ressort quelque chose
de fort, d'en fin de compte
très cohérent et marquant.

EN ÉCRIVANT sur " Tout ça pour ça" il y a quelques temps, j'avais utilisé le qualificatif de foutrac, parce que sous des dehors séduisants, le film m'était apparu comme un n'importe quoi, un fourre-tout sans corps ni âme. Avec "Merci la vie", en un certain sens, on assite à la proposition inverse : avec une rupture continuelle de tons, de genres, d'époques, de couleurs, de générations, de musiques, d'interprètes (hormis les admirables Charlotte Gainsbourg et Anouk Grinberg), il en ressort quelque chose de fort, d'en fin de compte très cohérent et marquant.

On peut voir le film comme une somme de ce que le cinéma peut atteindre : peindre des sentiments, la vie, l'amour, la mort, des reconstitutions historiques, la réalité, la fiction, la fiction reconstituant la réalité, on peut tout mélanger, reprendre des élements de réalité pour en faire une fiction, ou prendre une fiction pour la réalité, mélanger les temps... On peut le faire, donc, une fois ceci posé, il doit bien rester quelque chose, autre chose qui échape à la rhétorique du sujet et de l'objet, qui va plus profond et au-delà : la vie.

On peut voir le film comme le témoignage d'une époque, puisque le sida y tient une part si importante (bien que cité une seule fois au cours d'une mémorable réplique de Michel Blanc : "Il faudrait qu'on se mette d'accord sur l'époque : soit il y a le sida, et il n'y a pas d'Allemands ; soit il y a des Allemands, et il n'y a pas le sida. Et alors on baise."). Une époque où les gens sont capables de se sentir et se dire heureux malgré tant d'effondrements autour d'eux ou en eux. Une époque où précisément, presque tout est ou sera techniquement possible (comme, dans les films, les effets spéciaux et tous les mélanges) et pourtant la vie continue et a besoin d'autre chose pour se nourrir, se justifier.


On peut également voir le
film comme une méditation
de Blier sur la vie de la part
d'un homme qui vient de
passer la cinquantaine.



On peut également voir le film comme une méditation de Blier sur la vie de la part d'un homme qui vient de passer la cinquantaine. Une des caractéristiques essentielle du film est sa linéarité éminement onirique (cf. une fois de plus les mélanges évoqués plus haut). La vie contient tout, mais c'est finalement un certain scepticisme qui prévaut : Girardot, dans un rôle quasiment auto-biographique au visage ravagé, s'adresse dans la séquence finale à sa fille pour lui dire que, somme toute, la vie a aussi ses bons côté. Et le film se clôt sur un plan fixe de plus de 3 minutes sur Carmet, grand-père délaissé dans sa chaise roulante, sceptique et troublant pendant que défile le générique.

On est en droit de ne pas partagrer, ni d'aimer cette approche, mais que j'aime le cinéma qui permet à un Blier de nous faire partager sa vision du monde, d'enrichir notre regard, et de nous en sentir plus instruits et plus attentifs !

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