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Bienvenue � Gattacade Andrew
Niccol Sébastien Barré, le 4/05/98 (note : pas de révélations dans cet article, vous pouvez le lire sans avoir vu le film auparavant) :
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![]() ...pas d'échappatoire...
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Cette simple goutte de sang initiale vous classera donc impitoyablement d�s la naissance parmi les "valides", l'�lite, g�n�tiquement et statistiquement viable et apte, et les "non-valides", promis � des taches moins valorisantes car souffrant de ces petits d�fauts et imperfections g�n�tiques dont m�re Nature semble ici accabl�e. Une soci�t� ultra-clean, régul�e, froide, soup�onneuse, ayant dig�r�e � tous les niveaux cette forme de discrimination, dont Gattaca, cit� des �toiles, est le fleuron : la moindre salet� y est traqu�, la poussi�re chass�e, les identit�s et les potentiels éternellement contrôlés. Mais ce que l'h�r�dit� lui promet, ce que des colonnes de chiffres et d'esp�rances de vie veulent lui imposer, ce qu'un simple souffle au coeur lui commande, Vincent le "non-valide par d�faut" n'en veut pas, il croit en la force d'un certain acquis sur l'inn�, il est déterminé, il a un plan : �changer, partager son identit� avec Jérôme, un "valide", sujet brillant � qui le destin a jou� un tour non-g�n�tique en le privant de l'usage de ses jambes. Celui-ci va d�s lors partager son existence en "double" reclus et faussement cynique. Pour parvenir � ses fins, faire partie de "l'�lite de l'�lite", p�n�trer et d�jouer les contrôles g�n�tiques incessant de Gattaca, sa porte vers les �toiles, il doit donc effacer quotidiennement et minutieusement toute trace corporelle de ce Vincent, tout en endossant et semant les caract�ristiques g�n�tiques m�me les plus infimes que Jérôme lui distille tous les jours. Un effort constant, impitoyable, irr�versible, � l'issue unique, auquel Vincent s'accoutume tous les jours, se rapprochant du but, son d�part imminent. Mais le meurtre d'un de ses sup�rieurs va attirer sur lui l'attention d'une police scientifique dont les m�thodes sont encore bien plus pointilleuses. |
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Première oeuvre d'Andrew Niccol (et scénariste du prochain "The Truman Show"), fils de pub, il signe l� un film et un sc�nario brillant qu'on peut qualifier "pompeusement" � "multi-entr�e". Simple thriller g�n�tique, il s'en sort d�j� haut la main : l'histoire, simple, dont les prémisses �voqu�s précédemment sont tr�s rapidement mis en place, m'a sembl�e parfaitement maîtrisée, réservant des rebondissements, des poches d'ombres, des sc�nes de suspens superbement dos�es. L'atmosph�re, dont la propret� se révèle rapidement oppressante, y est pour beaucoup. A un deuxi�me niveau on fr�mit bien s�r, conscient du caract�re pas si utopique que cela. On pense au "Meilleur des Mondes" ("Brave New World", Huxley, 1980), � "1984" (Orwell), � "THX 1138" (Lucas, 1970). "Gattaca" n'est pas un film de SF, et Niccol n'utilise d'ailleurs pas (faute aussi de budget) d'effets spéciaux, de véhicules ou de visions futuristes d�lirantes. L'architecture mid'50 de la cit� est toute en rondeur, nette, et lisse. Mis � part quelques d�tails, tout est rapidement transposable et cet effet malin implique imm�diatement le spectateur "dans" l'histoire. C'est donc plutôt (mais à quoi bon le classer), � mon avis, un "polar intelligent d'anticipation sur fond g�n�tique" ! Mais quel fond ! |
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![]() Froideurs... ![]() Suspicions...
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J'enfonce des portes ouvertes, mais s'il est vrai que le d�bat g�n�tique est tr�s "� la mode", il ne faut pas oublier que de bonnes, de tr�s bonnes intentions scientifiques peuvent toujours trouver un emploi détourné... L'eugénisme ne datant h�las pas d'hier, il n'est pas pr�t de se fermer ce débat entre le soucis compr�hensible de soigner des maladies h�r�ditaires et celui de m�nager un certain "confort g�n�tique" � soi-m�me, � sa prog�niture, ou � son clan, et ceci finalement au nom du bon sens (cf. les premières sc�nes et la "cr�ation" du fr�re de Vincent). Mais qu'est ce donc que ce confort ? Que mettre dans le sac des "tares g�n�tiques" ? Un grain de beaut� mal plac�, un bégaiement ? Tout est-il inn� ? Que faire de la part de l'acquis, de ce qui est fa�onn� par la vie ? Le g�ne de l'alcoolisme, de la violence existe t'il ? (le film répond "oui" dans la sc�ne d'intro). Niccol, qui semble s'�tre document� sur le sujet, porte en partie le d�bat sur des pratiques g�n�tiques discriminatoire qu'il a d�j� observ� actuellement dans certaines grandes soci�t�s et assurances (cf. interviews). Cela fait froid dans le dos, car ces pratiques ne sont pas forc�ment "admises" comme dans Gattaca, mais utilisables presque contre votre gr� de fa�on invisible � tout moment (par un cheveux, de la salive, un pr�l�vement etc.) . Mais il y voit aussi un discours plus g�n�ral sur "le triomphe de la volont� humaine" face � une situation qui lui a �t� impos�e. Il y a de cela, et en tout cas je crois qu'il ne faut pas trop s'arr�ter sur, finalement, une vision tout de m�me tr�s binaire (ou ternaire) de sa soci�t�, l'aspect tr�s propret et la beaut� synonyme de perfection g�n�tique, et le fait que finalement Vincent cherche à rentrer "dans le moule". Personnellement (et je ne doute pas que cela ne saute pas aux yeux des am�ricains), je ressens aussi un �cho avec notre glorieux parti de la honte, le FN. Dans ses laboratoires méditerranéen comme Toulon, Vitrolles, que pratique t'on qui ne ressemble pas � de la discrimination g�n�tique : les municipalit�s y bafouent le droit du sol en élevant le droit du sang, on est fran�ais et heureux de l'�tre par le sang, on discrimine ou récompense selon ces principes, bien s�r ill�gaux (comme dans le film), mais implicite (idem). Y a t'il un Vincent l� dedans, on l'esp�re finalement. |
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Le petit mot technique : Niccol s'est entour� de 2 europ�ens, � la photo,
Slavomir
Idziak, � qui l'on doit récemment "I
Want You", mais aussi "Trois
couleurs : Bleu", "La
Double vie de V�ronique", et certains épisodes du "Dekalog",
photo tr�s travaill�e, filtr�e selon les castes et les personnages, et
� la musique ( Premier film donc, et excellente surprise, l'impression d'avoir assist� � un film brillant, fin, intelligent, rondement men�, � la fois g�n�ral et profond�ment humain car menant la danse de 4 destins (Vincent, son fr�re Aton, Jerome, Irene) complexes et émouvants. Mais surtout, un film tr�s modeste. Sur un terrain o� l'on pourrait facilement tirer de grand propos, donner des le�ons, Niccol reste tout � fait en recul, ne donnant aux spectateurs que des cl�s de compr�hensions. Certaines répliques (notamment � la fin, superbe) sont d'une grande justesse, mais jamais �rig�es en grande v�rit�. Autres liens : |