L'Examen de Minuit

L'Examen de Minuit

de Danièle Dubroux
1998 - 1h40 - France ("L'Examen de Minuit")
avec : Julie Depardieu (Séréna), Serge Riaboukine (Roland), François Cluzet (Antoine), Danièle Dubroux (Marianne)
scénario : Danièle Dubroux

Pierre Guillemot, le 27 octobre 1998 :

SÉRÉNA EST TOUTE SEULE avec sa valise devant la gare de Chateauneuf-sur-Rhône (26 Drôme). Elle demande au grand Roland où est le château ; c'est qu'elle se sent perdue, le châtelain qui avait répondu à son annonce dans le Chasseur Français n'est pas là à l'attendre, elle a tout laissé pour une union de haut niveau. Roland écoute. Lui, il n'a personne depuis quarante ans, il est habitué, pas de raison de se rendre malheureux. Le noble prétendant arrive quand même, fin de la conversation, Roland les regarde s'éloigner.

Quelques jours après, le coeur de Roland bondit dans sa poitrine. Séréna est derrière le comptoir du grand café de Valréas, ça n'avait pas marché avec le châtelain. Il va conquérir sa belle, pour ça il lui faut un château. Comment trouver l'argent quand on est paysan, qu'on travaille dans la ferme de papa à côté de Dieulefit ? Simple : en braquant l'agence du Crédit Mutuel.

Ca y est, Séréna a dit oui. Et puis elle n'est plus là. Entrée en scène d'Antoine, romancier en panne d'inspiration et légèrement parano, qui la recueille et l'enferme dans sa tour d'écrivain à la campagne. Un nouvel amour, un nouveau roman. Séréna s'embête, c'est quoi, être la muse d'un artiste ? Elle sort se promener. Drame et délire dans la tête d'Antoine.

Et puis Marianne (Danièle Dubroux elle-même), épouse très maternelle d'Antoine, découvre la dernière inspiratrice de son gamin de mari. On a beau être prof de philosophie, un jour on en a assez ; une maîtresse, un roman, ça irait s'il écrivait comme Sartre ou Sollers. Elle rentre à Paris, mais quand même elle aimerait bien en savoir plus sur cette fille, petite délectation masochiste, qu'est-ce qu'elle a de plus que moi ... Et dans la nuit, la route lui fait signe, la conduit à Dieulefit où Roland attend, désespéré.

Je ne peux pas raconter la suite, allez voir le film. Je peux tout juste dire que ça finit bien et que les rêves de tous sont comblés, comme dans les contes de fée.




C'est bien un conte, écrit pour le
plaisir de raconter une histoire...

C'est bien un conte, écrit pour le plaisir de raconter une histoire. Danièle Dubroux le revendique, même si elle est partie du dossier de l'avocat de Roland, le vrai, qui braquait les banques par amour et va bientôt sortir de prison grâce aux remises de peine.

Séréna, âme simple qui ne sait même pas ce que c'est que le désir, enflamme Roland, puis Antoine, puis Marianne. Un film est bon quand le spectateur voit l'histoire par les yeux de quelqu'un. Cette fois-ci la conteuse mène ses trois héros, chacun sur son chemin à la conquête du trésor Séréna. Les lutins tentateurs qu'ils rencontrent prennent la forme d'un démarcheur du Crédit Mutuel, d'un clown docteur en philosophie ou d'un jardinier rappeur. Sur fond de décor totalement banal et rassurant, ferme typique, bastide d'intellectuel parisien, grand bistrot du chef-lieu de canton, tout en décor naturel (ça a vraiment été tourné entre Valréas et Dieulefit), mais les trois possédés le peuplent de signes et de révélations. Il y a bien quelques sages vieillards qui essaient de détourner le sort : le père de Roland, l'officier de gendarmerie ; comme dans les contes, ils n'empêcheront rien.

Fin. La lumière revient. On sort de là légèrement ahuri. Et puis, comme c'est une avant-première, apparaît Marianne, non, Danièle Dubroux, habillée et coiffée comme sur l'écran, et on commence à démonter avec elle la mécanique du conte. Parce que tout est construit, voulu, articulé (bien sûr, puisque c'est du cinéma). Le soupçon monte. Est-ce que Marianne est saisie de la même folie que les deux autres, ou bien est-elle la grande manipulatrice, qui guide tout le monde vers la collision finale ? Elle veut se venger de sa rivale, ou bien, comme Catherine Deneuve se revoyant dans Emmanuelle Seigner (dans "Place vendôme") c'est la complicité entre deux femmes autour du même homme ? Et ce scénario, c'est vraiment un fait divers magnifié (le réel, seul moyen d'échapper aux clichés que l'imagination génère forcément, sauf si on est un génie) ou bien construit avec les composants normalisés de la bonne littérature ?

Finalement, ce n'est pas une bonne idée de se faire expliquer l'oeuvre par l'auteur. C'est le danger des avant-premières (Eric Zonca est plus malin, il parle tout le temps du plaisir qu'il a pris à réaliser "La vie rêvée des anges", pas de la construction).

Donc, oubliez tout ce qui précède, allez voir "L'examen de minuit" et laissez-vous porter par l'histoire.

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