Event Horizon (fr)

Event Horizon : Le vaisseau de l'au-delà

de Paul Anderson
1997 - 1h36 - USA ("Event Horizon")
avec : Sam Neill (Weir), L. Fishburne (Miller), Richard T. Jones (Cooper)
sc�nario : Philip Eisner
photo : Adrian Biddle
décor : Crispian Sallis
effets : Mass.Illusions, LLC / Cinesite Ltd / The Computer Film Company

Sébastien Barré, le 8/05/98 :

POUR RÉSUMER mon avis, je fais mienne une des r�pliques du film : "Hell is only a word. The reality is much, much worse." ("L'Enfer est juste un mot. La r�alit� est bien, bien pire.").

Petit historique

1995 : Paul Anderson se fait connaître en r�alisant la premi�re "grosse" adaptation d'un jeu vid�o � l'�cran, le bien-connu "Mortal Kombat", v�ritable ode � la courtoisie, au Scrabble en famille et � la fine analyse psychologique. Malgr� Christophe Lambert, notre merlan national, ce quasi-nanar bien cibl� rencontre son public d'aficionados et du succ�s. Cool.

Event Horizon : du coté de Neptune

...se promenant nonchalamment
du coté de Neptune...



1996, mercredi : Sam Neill ouvre la porte de son appartement et, toujours en cale�on, signe le re�u que lui tend le gentil pr�pos� aux PTT locaux (car ce n'�tait pas l'ami Ricor�e). La lettre, estampill�e "direction des impôts", augure une de ces bonnes nouvelles comme on les aime au petit matin. Il doit un paquet de $. Va falloir faire un film. Va falloir appeler son agent. Va falloir bosser quoi.

1996, 2 h + tard : l'agent de Sam Neill est un heureux homme. Il a quand m�me r�ussi � fourguer son poulain dans 55 films, et gr�ce � "Jurassic Park", "La leçon de piano", "Dans l'antre de la folie", tout le monde a oubli� les 52 autres nanars. Bon plan pour lui. Le t�l�phone sonne et � cet instant le destin entre en sc�ne : il se prend les pieds dans le tapis, perd l'équilibre, se vautre, entraînant ainsi sa poubelle ainsi que le futur spectateur vers la catastrophe : de la poubelle jaillit en effet miraculeusement le script de "Event Horizon" pour atterrir sur la pile des projets en cours. On est bien peu de choses...

1997 : Paul Anderson entame "Event Horizon". Il s'est dit "et si euj'faisais un vrai film, nom' eud'dieu ?". Nous aussi.

2040 : l'Event Horizon, fine pointe de la technologie, se prom�ne nonchalamment loin, l� bas, du cot� de Neptune, l� o� il est bien inutile de vouloir trouver un McDo ouvert apr�s 19h. Sa mission officielle : l'exploration des confins de notre syst�me. Officieusement : tester une technologie de d�placement révolutionnaire. Peu de temps apr�s, cet impressionnant vaisseau disparaît tout entier, lui et son �quipage.

Event Horizon : cours Forrest, cours !

Cours Forrest, cours !



2047 : la Terre re�oit un signal indescriptible, dont la source semble � peine croyable : l'Event Horizon est de retour, non loin de l� o� on l'avait laiss� pour mort. Une équipe de secours, command�e par Miller (Fishburn), et accompagn�e du Pr. Weir (Sam Neill) concepteur de l'Event, est envoy�e � sa rencontre � bord du "Lewis & Clark" (pas de rapport avec Superman). Le vaisseau est d�sert, mais l'est-il vraiment ? Qu'est-il advenu de l'Event pendant ces 7 ans ? Pourquoi est-il revenu ? Ticket horodateur expir� ? On n'en sait trop rien, mais nos h�ros et le spectateur vont bientôt le savoir, et tous � leur d�pend.

Y a t'il un scénariste dans la salle ?

L'id�e de base est plutôt bonne, non ? : un vaisseau ayant la capacité de se déplacer, comme on le d�couvre tr�s rapidement, vers n'importe quel point de l'univers en défiant les lois de la physique, disparaît et réapparaît, �trangement vide et apparemment m�tamorphos�. Qu'a t'il vu au delà de l'univers ? O� est-il vraiment all� ? Et pourquoi ai-je mis 37 FF là dedans ?

H�las, trois fois h�las, Philip Eisner, dont c'est le premier script ("fait une pause, gars"), accumule ensuite avec méthode les poncifs les plus éculés du genre et pompe au passage le sc�nar de "Sph�re" (du tacher... euh du r�alisateur Barry Levinson). La suite est en effet (et malheureusement) un refrain triste et connu, un v�ritable "Mortal Kombat" pour le spectateur :

1) se munir d'un tr�s gros vaisseau, et s'arranger pour qu'une �quipe de secours apparemment surentraînée (et pas venue pour beurrer les tartines) rivalise d'organisation (ou de stupidité) pour qu'au moins chaque membre de l'équipe se retrouve tout seul dans un coin du vaisseau. Devinez ce qui arrive ? Et puis bon, on va faire en sorte pour que "�a" leur arrive plusieurs fois. Alors que tout l'équipage sait qu'il se passe "des choses", et bien non, faire des groupes de 2, �a d�passe l'entendement de notre fine équipe de lemmings.

Event Horizon : sas

La porte, bordel !



Certes, il y a urgence sur le vaisseau, mais on remarque imm�diatement combien chaque prétexte de situation est d'une artificialité confondante :

  • "zut, j'ai laiss� tomber un truc dans l'entrepont",
  • "mince faut que j'aille chercher ma montre dans le labo",
  • "par ma barbe, n'ai-je point entendu le bruit d'un éléphant ?"

etc. Du d�lire. Ce point est tr�s souvent utilis� dans les films de ce type (dès "Alien"), mais il peut être utile d'avoir derri�re quelques autres id�es, un peu de talent et d'originalité. Pas de bol dans notre cas, vide sidéral.

2) utilisez un pseudo-verbiage scientifique sur fond de courbure spatio-temporelle, champ gravitationnels et autres lémuriens de l'espace. Ca tombe bien, c'est � la mode. Courbons donc l'espace en coeur. Et bon, n'h�sitons pas � faire un petit couplet sur "les pov' scientifiques qui ne savent pas expliquer des choses simples, alors que nous ben les gars normaux qu'on a les pieds dans la r�alit� nous hein". Ami clich�, nous n'attendions plus que toi.

3) faire en sorte qu'un ou deux personnages roule de grands yeux en nous ass�nant des phrases pleines de sens mais cens�es faire peur de la mort de mourir de l'effroi qui tue, par exemple :

- beuahhh, les t�n����breuuuuhhh, les t�n���breuuuuuh arrivent !
- mais quelles ténèbres Jo ?
- les tennnn�breuuuuhhhh, celles qui.. celles qui ... *couik*

(ah bon, t'es sur que tu ne voulais pas nous en dire plus avant de clamser ?)

ou

- mais professeur, dites nous enfin ce qui se passe sur l'Event Horizon ? (pour la 243 �me fois)
- euuh, j'en sais rien ! (avec un air de conspirateur � 2F)
- vous z'etes sur ? (je suis na�f mais je me soigne)
- mais ouiiiii euhhh, arr�tez de m'embêter, vous voyez bien que j'ai du mal � me concentrer pour faire croire que je suis normal ! (euh non là j'invente).

4) et tiens, si on se refaisait les éternelles sc�nes de d�compression spatiale. C'est qu'il me reste un peu de sang du rôti de Dimanche dernier chez tata ! La tarte � la crème du film bas (et m�me haut) de gamme dans l'espace, et le foutage de gueule en g�n�ral ("je suis en tee-shirt dans l'espace alors qu'il fait juste -360�", etc).


Ajoutons � cela des personnages sans grande profondeur, une histoire qui n'�volue guère et qui ne voit pas bien loin (banal jeu de chat et souris entre le vaisseau et ses occupants, postulat de d�part inchang�), et une fin indigente dont m�me Elizabeth Teissier apercevrait le dénouement 1h36 avant.

Un réalisateur est demandé au guichet n° 13. Merci.

Heureusement pour lui, dans cette fantastique quête des clich�s les plus éhontés, Eisner trouve un allier de taille en la pr�sence du r�alisateur Paul Anderson, qui lui aussi a décidé de mettre ses gros pieds dans les gros plats, et nous convie ainsi � un des films les plus insupportables qu'il m'ait �t� donn� de voir (et d'entendre). Car en partant au studio ce matin l�, il avait oubli� de prendre son sac � id�es...

S'il y a par exemple bien un "truc" de réalisateur de SF/suspens/horreur paumé qui m'énerve prodigieusement, c'est le "syndrome du tuyau qui pend", encore appelé "syndrome du chat qu'on jette", ou encore "eh, t'as pas les yeux dans les coins, tu m'avais pas vu sur ta gauche ?" : il s'agit, dans un moment de tension artificiellement gonfl� par de la musique � violons pas ch�re, de faire entrer subitement quelque chose dans le champs de la cam�ra (les bords de l'écran), et de le faire éventuellement tomber sur notre héros/victime... une main sur l'épaule, un faux tueur, un tuyau qui tombe du plafond, le chat du voisin qui tombe du toit, et le tout ponctué par un gros bruit (c'est fou ce qu'un chat peut faire comme bruit quand il déboule). "Ah bouh j'ai peur !". Pitoyable degré z�ro de l'effet gratuit et imparable, d'autant plus lourdingue qu'il faut vraiment avoir des ornières de 2 mètres pour ne pas voir arriver la chose en question du point de vue l'acteur (qui fait souvent face ou 3/4 face à la caméra, quand il n'entre pas dans la pièce à reculons).

Note : à ce propos, Jeunet disait que pour "Alien: Resurrection" il avait eu la faiblesse d'utiliser UNE fois ce truc : c'etait justement un de ces fameux tuyau qui tombe du plafond (lorsque le chef de l'équipe des mercenaires explore les couloirs avant de...).




Event Horizon : bouh ?

bouh ?



Pour faire bonne mesure, cet effet imparable est bien souvent imm�diatement suivit par l'apparition du v�ritable monstre/perso, afin de profiter du "bouh j'ai peur mais l� �a va mieux" qui pr�c�dait. D'o� la s�quence compl�te la plus pipeau qui soit "bouh j'ai peur ! pfff, ouf �a va mieux... OH putain re-BOUH j'm'y attendais pas j'ai re-super peur de la mort". Effarant.

Une des variantes de cet effet est le coup de "la personne de dos" : notre h�ros (aka spectateur en vue subjective) cherche qqun, il trouve cette personne : elle lui tourne bizarrement le dos. Il la retourne (en lui mettant la main sur l'épaule par exemple). D'une manière g�n�rale s'ensuit un gros plan sur le visage de la chose, et 9 fois sur 10 ce n'est pas la personne attendue, mais au choix un monstre/flash/cassoulet.

Dans ce film, cette pratique est utilisée jusqu'à l'insoutenable !!! Cet effet est employé au bas mot 402 fois, sans une once d'imagination. PITOYABLE, je dis bien PITOYABLE de connerie et de malhonnêteté pour le spectateur car tout ceci est imparable : par réflexe, vous sursauterez, alors que l'effet est triple-z�ro. J'en ai eu la naus�e (partagée avec l'envie de noyer dans le béton le scénariste et le réalisateur).

Event Horizon : rêve ou réalité

Oula costauds ces brocolis !



Mais Anderson est encore plus fort : il avait sur son synth� tout neuf pleins de sons qui font "bang", "squizz", "crac". Et plein de flash lumineux, plein plein plein ! Et moults micro-sc�nes gores, qui sont cens�es faire peur car entre-aper�ue dans des flashs. Muni de sa truelle de r�alisateur, il en use et ABUSE, chaque porte se ferme dans une explosion sonore, chaque tasse de caf� se casse comme un boeing sur mes pompes. Et tout cela reste encore une fois imparable, c'est un réflexe pur de sursaut ! La musique, banale, s'interrompt d'ailleurs juste avant pour ménager une plage de silence tellement "discrète" qu'on sait parfaitement qu'on va bientôt se prendre 170 décibels et griller tous les sonotones de la salle. Prevoir de passer chez le marchand d'oreilles � la sortie.

Quant aux non-comprenant, ils seront servis : le vestiaire à cerveau peut judicieusement être utilisé en début de séance, car c'est avec une finesse toute Roucassiènne que le sc�nario est manié et divulgué : et hop, un bon gros plan sur des explosifs, et hop un deuxi�me : "eh les gars spectateurs, j'vous ai montr� des explosifs, rappelez vous en pour la fin !". Ah bon, c'etait pas pour aller pêcher du poisson de l'espace � la dynamite, stupido ?

Et puis bien s�r, pendant qu'on y est, utilisons le proc�d� des "r�ves" : une sc�ne qui a l'air r�elle, qui se termine dans le sang et les boyaux... et l'acteur qui se réveille en sursaut. Utilis� jusqu'� saturation. Effet nullissime car permettant effectivement toute les facilit�s envers le spectateur.

Rachetons une cata spatiale ?

Ce film est donc à mes yeux une CATA cin�matographique : sc�nar inintéressant, perso de m�me, acteurs compl�tement � cot� de la plaque (Neill mauvais mauvais, Fishburn �a passe), r�alisation proche du z�ro sub-spatial.

Alors qu'est ce qui peut racheter un peu "Event Horizon" : les effets spéciaux, la photo et la d�co ! J'y allais d'ailleurs en partie pour cela, tant la bande annonce �tait all�chante.





Event Horizon : gothique...

Si si, tu vas ranger ta
chambre tout de suite...



Les d�cors sont effectivement tr�s originaux, somptueux, m�langeant high-tech et gothique, ordinateurs et pics, roulements, herses modernes, etc. Certains sets sont superbes, notamment la salle du noyau du vaisseau. Tout cela contribue bien � l'aspect mena�ant du vaisseau et � son "�me" (car vous l'avez devin�, il est "habit�", et pas par l'esprit de Christian Morin). Si je ne me trompe pas dans le casting, ils semblent l'oeuvre de Crispian Sallis, qui a boss� sur "L'arm�e des 12 singes", "JFK", "Desperate Hours", "Aliens", "A View to a Kill".

A la photo, pas de d�butant non plus, en la personne d' Adrian Biddle, "Cr�atures F�roces", "Judge Dredd", "1492", "Thelma & Louise" , "Willow", "Princess Bride", "Aliens" et un peu sur Alien. Tr�s belle ambiance, teintes bleues et rouges. impressionnant.

Les effets sont r�ussis : utilisation de liquide en gravit� z�ro, vaisseaux splendides, vu de l'espace idem. Proche de "Starship Troopers", qui est, ahma, le top en la mati�re.

Un dernier point : un personnage compl�tement farfelu, Cooper, tout à fait en dehors du film ! A la fin, il est la source d'un gag incroyable et tellement hors du ton du film (on s'est tous regard� dans la salle) que je me suis demand� si tout le film n'était pas au second degré. Mais en fait non !

Tout cela ne rach�te pas un film proprement mauvais, et surtout proche de la fronti�re de ce que je consid�re comme "malhonnête" : utiliser des effets ultra-connus et compl�tement r�flexes, prenant le spectateur ainsi en otage d'un manque singulier d'id�es et de talent.

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