Dieu seul me voi

Dieu seul me voit

de Bruno Podalyd�s
1998 - 2h00 - France ("Dieu seul me voit")
avec : Mathieu Amalric, Jeanne Balibar, Maurice Baquet, Cecile Bouillot, Jean-No�l Broute, Isabelle Candelier, Daniel Ceccaldi, Denis Podalyd�s
sc�nario : Bruno Podalyd�s

Flomarek, 2 juillet 1998 :

ALBERT, c'est un peu le pauvre type de base qui se d�bat dans les m�andres d'une vie finalement assez compliqu�e, il rame tant au propre qu'au figur� coinc� entre son bureau de vote, son humour involontaire, son charme irr�sistible quoiqu'incompr�hensible et ses copains tous aussi frapp�s les uns que les autres. Et pour que la recette fonctionne � plein, il �volue � Versailles : Versailles-Chantiers, entre la gare et ses campagnes de pubs d�lirantes avec noix de coco int�gr�es, les bourgeoises qui d�ambulent dans les rues attif�es d'un p�kinois rageur et les s�ances culturelles incontournables � la mairie avec volatiles incorpor�s.

[...] la force du film :
r�int�grer [...] les bonnes
vieilles recettes av�r�es
du vaudeville [...]






Et tout cela tourne, sous la houlette des fr�res Polyad�s ou plut�t de leur sc�nario impeccable - vif et enlev� -, de leur pari incroyable, celui de m�ler dans la m�me histoire des trains, des r�pondeurs, des bagnoles, des campagnes politiques ringardes, du foot, des objets aussi divers qu'inattendus - tels une glaci�re, un appareil � raclette -, des rencontres impromptues et des personnages pour le moins loufoques sans jamais sombrer dans le patchwork inachev� ou dans le gag inutile, sans jamais d�roger � la dynamique comique de la trame du film : la vie d'Albert.

Et c'est pr�cis�ment ce qui fait la force du film : r�int�grer dans le processus cin�matographique les bonnes vieilles recettes av�r�es du vaudeville avec, comme s'il s'agissait d'un atout suppl�mentaire, un travail sur le personnage et une incursion dans l'art de la tranche de vie et du cin�ma dans ce qu'il a de plus essentiel : l'art du plan et de la prise de vue. C'est ce qui permet aussi au film de redonner toute sa dimension � un personnage comme celui d'Alice interpr�t� par Jeanne Balibar - que l'on avait d�j� vue dans l'excellent "J'ai horreur de l'amour" - et de l�gitimer finalement la pr�sence d'un personnage diff�rent presque dissonant avec l'ambiance g�n�rale du film.

On connaissait d�j� les fr�res Polyad�s, leur attachement � la nouvelle "bande" du cin�ma fran�ais et � Arnaud Desplechin, mais on connaissait surtout leur hilarant moyen m�trage "Versailles rive gauche", sorti il y a quelques ann�es et mettant d�j� en sc�ne Versailles et ses contradictions, Versailles et ses composantes finalement improbables. "Dieu seul me voit" peut-�tre ressenti comme un aboutissement logique de leur travail pr�c�dent mais aussi de la tendance actuelle du cin�ma fran�ais propre � mettre en exergue non seulement de v�ritables talents d'acteurs mais aussi une histoire construite et elle-m�me productrice de sens. Bien s�r, d'aucuns pourront voir dans ce cin�ma le reflet d'une �lite, le reflet s'av�re pourtant retravaill�, r�investi et dynamique et il me semble dommage de confiner ces cr�ations sous une �tiquette finalement assez r�ductrice. "Dieu seul me voit" est une preuve de la vivacit� et de la g�n�rosit� du cin�ma fran�ais et sans doute une excellente raison de se r�concilier avec un des moteurs fondamentaux de toute oeuvre qu'elle soit litt�raire, musicale ou cin�matographique : la cr�ativit�.

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