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À vendrede Laetitia
Masson Laurent Gautier, 30 ao�t 1998 :
Apr�s un premier film fort sympathique et r�ussi, "En avoir (ou pas)", j'attendais beaucoup de ce second. Je n'ai pas �t� d��u, bien au contraire. Nous avons en effet droit � un double portrait captivant, � une analyse d�capante de certains comportements de soci�t�, et � un film aux effets vari�s et souvent innovants (et rarement gratuits). Double portrait. Celui de France Robert, d'abord. Personnage qui garde son opacit�, finalement. Est-elle en qu�te, ou en fuite ? Les pistes psychologiques offertes par l'enqu�te du d�tective dans son village natal (les parents qui auraient pr�f�r� un fils pour reprendre la ferme, un premier amant tr�s coq de village pour qui elle n'�tait qu'un coup pas terrible, peu d'amies...) ne permettent pas d'explication. Elle refuse certains "jeux sociaux", mais sans chercher � les remplacer. Sa volont� de r�clamer de l'argent � ceux � qui elle offre son corps semble �tre une improvisation, puis un rituel, une d�fense ("je ne veux pas �tre d�pendante" r�p�te-t-elle) mais qui ne la prot�ge pas de la solitude et du d�sespoir, alors qu'elle plonge vers la prostitution et la clochardisation. En parall�le, le portrait de Luigi Primo, d�tective priv�. Son cynisme
mysogine frole le clich�, jusqu'� ce qu'on comprenne l'intensit� de sa
douleur : quitt� par sa femme, il ne parvient pas � l'oublier, et son d�sir
reste douloureusement bloqu�. Son identification avec France (" Singuli�rememt les deux triples questions : elle demande � son patron devenu
amant et qui ne veut plus lui donner de l'argent pour coucher avec elle :
" Tout cela est servi par des com�diens sensationnels. Kiberlain, bien sur, qui offre son visage lisse � France, sur qui rien ne semble s'imprimer, et qu'on retrouve nue et en pleurs dans une chambre d'hotel miteuse, apr�s une rupture qu'on croyait assum�e. Castelitto, en Primo, d�tective neutre et d�sabus�, et soudain d�sarm� de d�sir et de douleur inexprimables dans la sc�ne exceptionnelle o� il revoit son ex-femme, jou�e par Mireille Perrier. St�venin, en Lindien, le mari abandonn� par France, bloc de tension, qui garde lui aussi son parcours secret, loin des caricatures de gangster qu'il joue souvent. Et puis tous les autres, le film est plein de personnages secondaires tr�s int�ressants. Mais ce qui �tonne le plus, c'est la maturit� technique de Masson, et les risques qu'elle accepte de prendre. Il y a d'abord la visite de Primo dans le village de Champagne pouilleuse. On est alors proche du documentaire. Mais pas tout � fait : lors de l'interrogatoire des parents, film�s en plan fixe, chaque parent est sur un bord du cadre, laissant un grand vide au milieu : la place de France, enfuie ? C'est d�j� de la mise en sc�ne intelligente. Mais des sc�nes beaucoup plus radicales vont suivre. Des sc�nes de nu et de baise, crues, prosa�ques, anti-romantiques au possible. Des sc�nes en insert, inutiles au sc�nario, presque monochrome (le rouge d'une boite de nuit, le bleu d'une salle de sport) film�es au ralenti, avec une musique de fond qui n'est qu'un rythme, et qui expriment mieux que tout le reste une sorte de vide, d'absence d'intensit� et de profondeur de nos vies. L'alternance des sc�nes de com�die et des sc�nes dramatiques, la vari�t� des lumi�res, des ambiances, tout cela est parfaitement maitris� (seule la fin en vid�o semble un peu inutile). Le choix musical est d'ailleurs une grande force du film, que ce soit les chansons choisies (Johnny qui a "envie d'avoir envie", Bob Dylan qui est "sick of love" ... ) ou la musique originale, presque uniquement du rythme sans m�lodies, pour symboliser cette �nergie qui fait avancer et ce refus des �motions, qui semble animer les principaux personnages. Bon, �a fait beaucoup de texte, j'arr�te l�. J'ai donc beaucoup aim� ce film, m�me si tout n'est pas parfait. Une baisse de rythme dans la derni�re demi-heure est principalement � regretter, Masson a du mal � finir son film, et l'�pisode New-Yorkais n'est pas tr�s convaincant. Mais j'aime la mise en sc�ne de ce film, le myst�re qui continue de planer sur les personnages, et les interrogations riches qu'il suscite. Un film qu'on n'oublie pas sit�t sorti de la salle. Ouf, l'�t� est fini, enfin de la mati�re cin�matographique � se mettre sous la dent ! |