Cinéma et faciofoutologie : une introduction ma foi bien profonde



... qui, toutes choses étant égales
par ailleurs, ne serait, le cas
échéant, ni plus ni moins ...

IL PEUT PARAÎTRE très étonnant que personne ne se soit jamais penché sur les rapports, pourtant fort étroits, qui unissent le cinéma et la faciofoutologie. Mais, à y regarder d'un peu plus près, il n'est pas si difficile de se rendre compte de deux choses : d'une part, très peu de cinéphiles ont des connaissances solides en faciofoutologie, et d'autre part, les faciofoutologues, pour les raisons que l'on sait, fréquentent assez peu les salles obscures.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il m'a semblé pertinent de signaler une anecdote fort peu connue mais néanmoins très révélatrice de ce que le thème que nous abordons a de particulier. Il nous a été rapporté que, l'avant-dernier jour du tournage de "Citizen Kane", alors que Welles rentrait fourbu d'une journée épuisante de boulot, il aurait croisé un homme qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam et que ces deux hommes serait passé l'un à coté de l'autre sans même se remarquer. Il est difficile de comprendre l'attitude pour le moins surprenante de Welles à ce moment-là, face à cette situation inattendue, et on ne saura sans doute jamais les raisons qui l'ont poussé à agir ainsi. Quoi qu'il en soit, les conséquences de cet incident sur la faciofoutologie ne sont pas encore clairement déterminées et nous ne savons même pas si nous arriverons totalement à les caractériser un jour.


D'un geste sensuel, elle fit glisser
son peignoir le long de son corps
humide de désir et s'approcha de lui.

Abordons maintenant des questions plus générales. Avant tout, il faut bien savoir que la faciofoutologie n'est pas une science exacte et que, quelles que soient les conclusions qu'elle donne face à un problème donné, il faut toujours garder à l'esprit que les modèles et les hypothèses sur lesquelles elle repose, sont loin d'être parfaits et totalement éprouvés, et qu'elle ne pourra jamais que donner une tendance, une direction vers laquelle se diriger. Mais après tout, cette faiblesse apparente est aussi un avantage dans le contexte qui nous intéresse, puisque c'est ce qui lui permet d'aussi bien se placer en principe esthétique dans le cinéma. Je prétend même qu'avec nul autre domaine que le cinéma elle ne peut rentrer aussi parfaitement en symbiose et se révéler pleinement, peut-être même avec plus de clarté que si elle était étudiée séparément. L'auteur de ces lignes a bien conscience du caractère iconoclaste de la position qu'il défend et que nombreux sont les faciofoutologues qui ne manqueront pas de s'offusquer devant une telle déclaration. Je leur répond ceci : n'est-ce pas justement à force de vouloir cultiver votre propre spécificité que vous vous êtes peu à peu détaché des réalités pour vous diriger vers une abstraction qui, aussi admirable soit-elle dans sa forme, me semble difficilement applicable, ou alors au prix d'un certain effort de dépassement voire de renoncement à certains de ses axiomes fondateurs. C'est donc l'idée d'une faciofoutologie appliquée, nécessaire à sa sublimation cinématographique, que je vais développer dès à présent.



Les numéros gagnants du
prochain tirage du loto, dont la
cagnotte s'élève à trente millions
de francs, sont les suivants ...

On aurait pourtant tort de considérer que la faciofoutologie est purement cinématographique. Elle s'applique aussi aux autres arts, certes d'une manière plus limitée, ainsi qu'à d'autres domaines encore, tels que la politique, voire même la science. Je veux dire qu'il n'a jamais été question d'insinuer que si la faciofoutologie ne peut réellement exister par elle-même, elle n'a pas non plus pour objectif de se subordonner à un type de domaine particulier, mais au contraire de s'insérer partout o� elle a sa place. C'est dans l'étendu et la diversité de ses domaines d'application qu'elle révèle la richesse de son apport. Mais c'est prioritairement dans le cinéma qu'elle se déploiera le mieux jusqu'à atteindre sa maturité. Les différents éléments qui ont induit cette conclusion sont nombreux et convergents.

En premier lieu, il n'est besoin que de voir avec quelle acuité des éléments esthétiques relatifs à la faciofoutologie sont apparus à maintes reprises mais toujours de fa�on implicites et embryonnaires dans nombres d'œuvres souvent fort méconnues, telles que "Champagne et anaconda" ("My uncle is smiling", J.K. Johnson, 1907), "Barnabé et son chien" ("Hydrogen impact", A. Mock, 1919), "Le cosaque et le toréador" ("Edipe mortadella", L. Gonzalez, 1936) et surtout "Goulback m'a emprunté mon chapeau" (J. Dupeyrach, 1953). Tous ces films sont les précurseurs du mouvement faciofoutologiste qui n`émergera véritablement en tant que théorie globalisante qu'à partir des années 60, suite au manifeste célèbre de Jean Dupeyrach lui-même, publié en 64. Il est d'ailleurs étrange qu'à partir de cette date, Dupeyrach ait totalement abandonné le cinéma pour se cantonner à un r�le de rédacteur dans la revue trimestrielle Facio, dans laquelle il continuera à développer ses théories jusqu'en 71, date de son assassinat à Liège par un activiste du MGDP.

Quoi qu'il en soit, on ne peut que regretter que Dupeyrach n'ait pas eu le temps ou la volonté de refaire des films, qui, ne nous pouvons en douter, auraient parfaitement illustré notre propos. Heureusement, Dupeyrach a eu un héritier spirituel dans la personne de Georges Plock, qui a collaboré avec lui à sa revue à partir de 69. Il le remplace à son poste à sa mort mais la revue va vite péricliter avant de dispara�tre en 73. Piètre journaliste, Plock, qui le premier a compris que le cinéma est le domaine privilégié de la faciofoutologie, va se reconvertir dans l'écriture de films dès 74. Il va donc signer de nombreux scénarios, qui seront systématiquement refusés par tous les producteurs auxquels il les présentera.

Nous pouvons comprendre leur attitude, dans la mesure o� les idées développées dans les textes de Plock sont très subversives et dérangeantes, et qu'il était à peu près certains qu'elles ne puissent trouver un accueil favorable auprès du public de l'époque. Il faut donc attendre 82, le temps que la faciofoutologie quitte son cercle restreint d'intellectuels pour déborder légèrement dans certains milieux underground de notre société, pour qu'un producteur accepte de faire financer "J'ai oublié de fermer à clef". Une équipe est donc formée, un réalisateur débutant choisi, Norbert Zouch, et le tournage peut commencer le 29 septembre 83. Malheureusement, la troisième semaine du tournage, l'actrice principale, Elisabeth Pascale, dispara�t subitement, et on ne la reverra jamais. Il aurait donc été nécessaire de retourner la plupart des scènes jusqu'à ce moment, mais les banquiers, voyant le gouffre financier s'annoncer, se retirent bient�t et le tournage dut s'interrompre définitivement.

De cette première tentative avortée, il nous reste quelques rushes, qui nous donne une vague idée de ce qu'aurait pu être ce qui s'annon�ait comme le film-phare d'un renouveau du cinéma fran�ais. En 86, Plock meurt du sida sans avoir pu trouver de nouveau producteur. Sa fille, Justine, retrouve ses scénarios dans sa maison de campagne et elle propose de les apporter à un de ses amis faciofoutologues pour qu'il puisse les lire et les diffuser dans son milieu. Ce dernier s'empresse d'accepter et vient les chercher chez elle. Hélas, le sort s'acharne encore une fois et ce dernier se fait voler la valise qui contient toute l'oeuvre de Plock pendant le trajet en train qui le ramène chez lui. Il n'y a donc ,jusqu'à présent, aucun film véritablement faciofoutologique qui ait vu le jour, et c'est très regrettable.

L'avenir du film faciofoutologique est difficile à prévoir. �tant donnée la frilosité de plus en plus prononcée des producteurs actuels, il semble hautement improbable que de tels œuvres voient le jour dans un avenir proche. Cependant, son extrême richesse intrinsèque finira un jour - n'en doutons pas - par jaillir aux yeux de nos contemporains, et son influence nouvelle sera alors déterminante et durable sur notre cinéma, qui en ressortira grandi et en acquerra un nouveau prestige international.

Nicolas Prcovic

Retour