Les Snuff Movies - Partie 1

par Jean-Pierre Samuelson,
article post� sur fr.rec.cinema.discussion le 17 novembre 1998.

"Tous les tabous sexuels ont été montrés à l'écran et nous pouvons nous demander : quelle sera la prochaine étape dans cette surenchère ? Ce pourrait être le meurtre. Ces films ont un nom : the snuff movies, où l'assassinat est commis sans simulation..."

Cette déclaration de Roman Polanski sert d'introduction au film "The evolution of snuff" de Andrzej Kostenko qui tente de retracer l'histoire des snuff movies.

Vrais ou faux, voici les faits :

New York City - 1976. Scandale. Près de Broadway, une salle de Times Square affiche un nouveau film : "Snuff". Une foule manifeste aux cris de : "Non au film "Snuff" ; halte à l'exploitation ; non à la dégradation de la femme à l'écran..."

Quelques années plus tôt, Michael Findlay et son épouse Roberta, âgée de dix-sept ans, se lancent dans la réalisation de petits films érotiques (softcore), industrie alors naissante. Rapidement, la demande se fait plus exigeante ; le porno rugueux fait son apparition. On l'appellera le hardcore. Les Findlay suivent l'évolution. A l'époque, les bénéfices d'un hardcore moyen, réalisé en une ou deux semaines, sont d'environ 10 000 dollars. On piétine, il faut trouver autre chose... Michael Findlay écrit une ébauche de scénario : des révolutionnaires font prisonnier une famille d'ex-nazis. Sexe, violence, exotisme, voila les ingrédients du film qu'il va tourner en Argentine. Le chef de la bande, personnage vaguement inspiré de Charles Manson, exécute � tour de bras, non sans avoir auparavant infligé à ses victimes divers sévices peu raffinés. De retour aux États Unis, Findlay ne trouve pas de distributeurs. Ces derniers flippent, angoissent : "Beaucoup trop violent, impossible de mettre sur le marché un film o� le meurtrier de Sharon Tate aurait l'air par trop sympathique... ". L'entreprise semble vouée à l'échec.

Cependant, quelqu'un (Qui ? Personne ne le saura jamais. Le secret est bien gard�, et pour cause...) va titrer ce film "Snuff". Par allusion � des documentaires tourn�s clandestinement en Amazonie. Qu'on dit truqu�s. Le spectacle n'est pas triste : on y massacre aussi bien des indigènes que des animaux, sans aucune simulation. On aurait donc, par la suite, ajout� au film de Michael Findlay une scène finale o� une femme se fait véritablement tuer devant la caméra. Vrai ou faux ? L'embrouille est totale.

De fuites en rumeurs, des manifestations s'organisent aussitôt. Manque de pot pour la vérité : Michael Findlay meurt quelques mois plus tard, décapité par une pâle d'hélicoptère sur le toit de l'immeuble Pan Am. Les hasards de la vie ont des revers étonnants !

Quelle est l'origine du mot snuff ? (Litt�ralement et litt�rairement, snuff signifie tabac � priser, et to snuff priser ce m�me tabac). Combien de films circulent sous le manteau ? Existent-ils vraiment ?... Parions que ces questions resteront � jamais sans réponses. Pourtant l'appellation va survivre et fera même école.

Industrie clandestine, les snuff movies seraient destinés à des circuits très ferm�s : nouvelle version (sanglante) des ballets roses. On y verrait toute une panoplie de meurtres sexuels. Passons sur les détails pour éviter de tourner de l'oeil ! Les interprètes-victimes seraient manipul�s : le "producteur" embaucherait des "comédiens" pour un vulgaire film porno, comme il s'en fait à la pelle àLos Angeles puis, évidemment, cela finirait très mal pour eux. Pas question de happy-end ! La main homicide ? Hollywood ne manque pas de détraqués prêts � n'importe quoi, pour une poignée de dollars. Chaque époque a les combats de gladiateurs qu'elle mérite. Souvenez-vous de la lente et difficile plongée dans cet enfer vue par Paul Schrader dans "Hardcore". George C. Scott n'en menait pas large.

Mais des petits malins se sont vite mis sur les rangs...

Au festival de Cannes, il y a quelques années, l'Italie présentait dans la compétition officielle un film de Gualtiero Jacopetti : "Mondo Cane". C'était l'ère du snuff avec alibi ethnographique. Le cinéaste avait parcouru le monde, sa cam�ra a l'épaule, en traquant ses aspects les plus cruels. Exemple : l'explorateur mang� par le lion, en direct (Quel scoop, coco !). Face � une critique déchaînée, Jacopetti défend son film comme un beau diable. Il est vrai qu'on lui reprochait d'avoir donn� un petit coup de pouce aux événements. Qu'� cela ne tienne, Gualtiero Jacopetti récidive deux ans plus tard avec "Mondo Cane 2" et engendre une école italienne spécialisée dans le genre.  Dont "Cannibal holocaust" de Ruggero Deodato. Tout le film repose sur cette ambiguïté : mêler réalité et fiction. À nous, spectateurs, de faire le tri parmi une kyrielle de scènes peu ragoûtantes : cannibales � l'heure du lunch, brochettes de pal, décapitations de singes, dépeçage de tortue vivante...). Pour sa défense, le metteur en scène Ruggero Deodato, de passage à Paris, se justifiera par un laconique : "Nous avons respect� les quotas de chasse délivrés par les autorités". À chacun son message.

Alors, du cinéma, le snuff ? Je vous laisse juge...

Le sujet vous a intrigué ? Je vous conseille la lecture d'un roman policier fort astucieux : On tue ou on tourne ? écrit par David Snell (Gallimard. Coll. : Série noire, num�ro 1810). Au cours d'un tournage � New York la vedette du film se sent menacée. Pour élucider l'affaire, elle engage son partenaire. Celui-ci se retrouve plongé dans une enquête pleine de rebondissements aboutissant dans le milieu des snuff movies.

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