Les mafieux au cinéma

ILS ONT INCARNÉ les gangsters les plus célèbres. Sans eux, Al Capone, Bugsy Siegel ou Lucky Luciano ne seraient peut-être pas entrès dans la légende. Inutile d'espérer pénétrer dans la grande famille du crime organisé sans savoir qui sont les chefs de famille, les lieutenants, les portes-flingues, etc.

LES CHEFS DE FAMILLE


Marlon Brando

Brando : le sage.

Avant d'incarner le plus fameux des Parrains, Marlon Brando avait déjà eu maille à partir avec la pègre sous la houlette d'Elia Kazan dans "On the Waterfront" ("Sur les quais"). Mais c'est en 1972 que Coppola réalise ce qui deviendra la plus populaire adaptation cinématographique du milieu mafieux : "The Godfather" ("Le parrain"). Dès lors, une légende vivante naît sous les traits de Brando : Don Vito Corleone. Plus qu'un simple film de gangster, "Le parrain" révolutionne le film de mafieux. Pour la première fois à l'écran, la pègre a un nom, un visage.

Pourtant, ce monde nébuleux et dangereux que dépeint Coppola est abordé avec précaution (le producteur Robert Evans ayant reçu des menaces l'incitant à abandonner le projet). D'ailleurs, il faut noter que le mot "Mafia" n'est prononcé à aucun moment dans le film. On y parle de "Famille" ou, tout au mieux, de "Clan". Pour Coppola, la mafia n'est que le symbole d'une Amérique corporative et capitaliste. Vito Corleone n'est qu'un immigrant de la Little Italy new yorkaise qui tente de survivre en gardant les valeurs de ces ancêtres : le pacte du silence, le respect et l'honneur.

Exit donc les scènes d'action, la mafia règle ses comptes en secret, sous couvert d'affaires de famille. Le film de Coppola reste discret sur la manière dont la famille Corleone amasse sa fortune. La violence mafieuse vue par Coppola ne s'exécute qu'entre mafieux : pas de tabassage de commerçants mauvais payeurs et autres innocents. Il est intéressant de noter que Brando parodiera son rôle de parrain dans "The Freshman" ("Premier pas dans la Mafia") d'Andrew Bergman.

Robert De Niro

De Niro : l'habitué.

Deuxième célèbre parrain après Brando, Robert De Niro fait ses premier pas dans le crime organisé via "Mean Streets" de Martin Scorcese. Une vision beaucoup plus violente et réaliste que celle offerte par Coppola dans "Le Parrain". Dans "The Godfather: Part II" ("Le parrain 2"), Robert De Niro incarne Vito Corleone jeune, un Vito plus dynamique, plus violent.

Séduit par son personnage dans le film de Coppola, Sergio Leone fait appel à lui pour incarner l'inoubliable Noddles Aaronson dans "Once Upon a Time in America" ("Il était une fois en Amérique"). Fresque grandiose contant l'implacable évolution du crime organisé au travers du destin de plusieurs amis juif. Le film de Léone se situe bien loin de la dynastie majestueuse des Corleone. La rue demeure le joug d'un syndicat du crime en constante évolution.

En 1987, De Niro réapparaît dans le milieu du crime sous les traits de Al Capone dans "The Untouchables" ("Les incorruptibles") de Brian de Palma. On y découvre un De Niro grossit, allumé, qui n'hésite pas à tabasser à mort un de ses lieutenant. Sous l'oeil de De Palma, Al Capone est un névrosé, un psychopathe pervers et violent. De Niro reprend ce rôle de timbré avec plus de douceur dans le sublime "GoodFellas" ("Les affranchis") de Martin Scorcese. A l'inverse, il incarne un flic lâche aux prises avec un mafieux jaloux dans le génial "Mad Dog & Glory". Ensuite, il s'essaie à la réalisation dans l'injustement boudé "A Bronx Tale", jouant le rôle d'un ouvrier en butte au caïd local. Enfin, dernièrement, Scorcese lui offre un nouveau blason dans le rôle du mafieux calme et flegmatique de "Casino".

Al Pacino

Al Pacino : le lunatique.

Al Pacino est le troisième membre de la famille Corleone. Il y joue le rôle de Michael Corleone, fils de Vito. Dans "The Godfather: Part III" ("Le parrain 3"), Pacino y est un chef de famille sage, épuisé, constamment en quête de repos, un chef de famille sur le déclin, à la recherche d'un successeur.

Dans le sulfureux "Scarface" de Brian De Palma, Pacino incarne le rôle de Tony Montana, immigré cubain qui fait ascension dans le crime organisé. Véritable symbole d'une Amérique décadente. Dix ans après Scarface, De Palma et Pacino renouent avec le milieu crapuleux dans "Carlito's Way" ("L'impasse"). Film bilan, "L'impasse" tient toutes les promesses que dix ans de maturité ont forgées.

Al Pacino � retrouver la famille r�cemment dans "Donnie Brasco" de Mike Newell. Il� descend en grade en devenant un gagne-petit, un looser.... Parions qu'il ne tardera pas � remonter les �chelons.

LES LIEUTENANTS


Joe Pesci

Joe Pesci : le cinglé.

Dans la série des "Lethal Weapon" ("Arme fatale") de Richard Donner, Joe Pesci campe un comptable miteux, responsable d'avoir blanchi l'argent de la mafia. Peu à peu, il trouve enfin sa voie dans le crime organisé aux côtés de De Niro dans "GoodFellas" ("Les affranchis"), une voie teigneuse qui lui vaudra un Oscar. Il y tient le rôle de Tommy. Tommy est un mauvais, un teigneux, un allumé de la gâchette, susceptible, violent, arrogant et rancunier. Pour un simple manque de respect, il est capable de tirer sur tout ce qui bouge. Son incapacité à se contrôler le perdra. Il reviendra D'ailleurs dans un rôle similaire toujours aux côtés de De Niro dans "Casino".

Ray Liotta

Ray Liotta : le jeunot.

Liotta est un cas. Dans "GoodFellas" ("Les affranchis"), il joue le rôle d'Henry et entre dans le métier à quatorze ans en garant les voitures des parrains locaux. Rapidement, il exécute quelques courses et connaît sa première nuit de taule. Un vrai petit caïd. Henry n'est pas un violent, plutôt un inconscient. Fortement attiré par la came, il finira par perdre son honneur et ses amis. La came est très mal vue par les vieux mafieux (Brando met en garde les Familles contre ce fléau dans "Le parrain").

Sylvester Stallone

Sylvester Stallone : le ridicule.

Stallone avait déjà traficoté avec la mafia dans "F.I.S.T." de Norman Jewison. Mais c'est avec "Oscar" ("L'embrouille est dans le sac"), remake bancal du célèbre "Oscar" avec Louis De Funès, lamentablement accouché par John Landis, que Sly en tient une sacrée couche côté mafieux. Il y est "Snap" Provolone, un parrain pas très dangereux aux prises avec les caprices de sa fille. Ridicule à souhait, Stallone a de la chance de ne pas avoir rencontré Brando sur son chemin. Il lui aurait collé deux baffes, ça n'aurait guère traîné. On ne se moque pas du milieu comme ça !

Warren Beatty

Warren Beatty : le rêveur.

Warren Beatty est un ancien gangster. Dans le superbe "Bonnie & Clyde" d'Arthur Penn, il incarne Clyde Barrow, sérial Killer sexuellement impuissant qui sème terreur et désolation en compagnie de sa bien-aimée Bonnie Parker. Vingt ans plus tard, il tentera de retourner sa veste dans "Dick Tracy" avant de retrouver le droit chemin sous la coupe de Barry Levinson dans le rôle de Benjamin Hymie Siegel dit "Bugsy". Un gangster du milieu qui caresse l'idée folle de créer un casino en plein désert... Pas vraiment dangereux, Bugsy est le père fondateur de Las Vegas.

James Remar : l'ordure.

James Remar donne libre cours à ses excès de fureur dans "Cotton Club" de Coppola. Il y tient le rôle du parrain Dutch Schultz, un cinglé notoire qui a la main haute sur les casinos, offices de paris clandestins et loteries de Harlem. Jaloux, psychotique et dangereux, Dutch finira assassiné par un autre célèbre gangster : Lucky Luciano.

Gabriel Byrne

Gabriel Byrne : le surdoué.

C'est dans le magnifique "Miller's Crossing" des frères Cohen que Gabriel Byrne met tout son talent de mafieux charismatique à bon escient. Calculateur incroyable, manipulateur né, il doublera avec succès, la "Famille".

Christopher Walken

Christopher Walken : le sournois.

Avec son physique inquiétant, Walken traîne depuis longtemps dans le milieu. Dans "King Of New York" d'Abel Ferrara, il joue le rôle d'un parrain fraîchement sortis de prison qui veut reprendre sa place à la tête d'un immense trafic de drogue. Il est un piètre parrain dans "Le grand pardon II" d'Alexandre Arcady et un mafieu revanchard dans "True Romance" de Tony Scott. Dernièrement, il renoue contact avec le crime dans "The Funeral" ("Nos funérailles") d'Abel Ferrara.

Chazz Palminteri

Chazz Palminteri : le paternaliste.

L'italien Chazz Palminteri est certainement le parrain le plus paternaliste du milieu. Il a sévi dans le film de De Niro, "A Bronx Tale" où il incarne un caïd influent, Sonny. Sonny est respecté parce qu'il est craint. Sonny incarne la vieille école, il est juste. Malheureusement, il se lie d'amitié avec le fils de De Niro, Callogero. Son comportement paternel lui coûtera la vie. Dommage... Plus tard, Palminteri descendra en grade en endossant le manteau d'un porte-flingue cultivé et dialoguiste dans "Bullets Over Broadway" ("Coup de feu sur Broadway") de Woody Allen.

LES FEMMES


Les plus grands acteurs ont tous fr�quenté la p�gre. De l� � croire que le milieu est essentiellement réservé aux hommes, il n'y a qu'un pas. Les femmes dans le milieu sont souvent r�duites � des r�les de comparses plus ou moins vindicatives. De m�moire, Gena Rowland, femme de ca�d, repousse avec hargne les tueurs lanc�s � ses trousses. De m�me que Michele Pfeiffer, après avoir �t� l'�pouse de Tony Montana ("Scarface") revendique son autonomie face au milieu dans "Veuve mais pas trop " de Jonathan Demme. Attendons les autres...

LES AUTRES...


Christian Slater

Christian Slater, Richard Grieco, Patrick Demsey, Costas Mandylor : les petits cons.

Dans le foireux et diablement mauvais "Mobsters" ("Les indomptés") de Michael Karbelnikoff, ils sont les nouveaux gangsters des années 1910. Lucky Luciano, Bugsy Siegel, Franck Costello et Meyer Lansky sont des accros de la mitraillette, de l'alcool, des filles. La plupart d'entre eux passera l'arme à gauche. Normal, trop impulsifs, trop énervés...

Sans doute influencé par leurs collègues comédiens, Richard Dreyfuss, Kyle McLachlan et Jeff Goldblum se décident enfin à rejoindre les rangs de la pègre dans le très réussit film de Larry Bishop, "Mad Dogs". Richard Dreyfuss endosse le costume blanc de Nic, un caïd du milieu sortant à peine de l'hopital psychiatrique et bien décidé à remettre de l'order dans ses "affaires". Hilarité de la chose, Jeff Goldblum endosse le holster d'un porte-flingue, bras-droit et homme de confiance de Nic. Kyle McLachlan quant à lui campe un un petit caïd jaloux, lorgnant sur le "territoire" de Nic. Reste un étonnant Gabriel Byrne renouvelant son contrat avec le milieu (après "Miller's Crossing") dans un numéro de cabotinage hilarant.

Scott Baio, Jodie Foster, John Cassiri : les "bébés".

Ils étaient très jeunes (environ 7 ou 8 ans) et faisaient déjà partie de la mafia. Dans le rigolo et culotté "Bugsy Malone" d'Alan Parker, ils se tirent dessus à coups de tartes à la crème et semblent avoir un bel avenir devant eux. Seule Jodie Foster s'en sortira.

Roger Hanin, Richard Berry : les pieds-noirs.

Dans le genre taciturne directement inspiré par Brando, Roger Hanin se pose là. Dans "Le grand pardon" d'Alexandre Arcady, il campe un immigré qui réussit grâce au crime organisé. Sa famille (les Bettoun) Hanin la tient droite et solide au prix d'un sens de l'honneur hyper développé. Son fiston, Richard Berry, est un jeune chien fou qui n'aspire qu'à la gloire et l'argent. Seulement, dans "Le grand pardon II", il se mouillera dans le trafic de drogue et y perdra plus que son honneur.

Gary Oldman

Ed Harris, Gary Oldman : les irlandais.

Ils sont irlandais, ils ont leur propres mafia et sont installés à "Hell's Kitchen". Ils sont les "Anges de la nuit" dans "State of Grace", le (seul) superbe film éponyme de Phil Joanou. Ed Harris est leur chef. C'est un type consciencieux et rusé. Un parrain qui se révélera faible devant ses rivaux italiens. Un chef de famille qui n'hésitera pas à supprimer ses propres soldats afin de se préserver de la colère des ritals. Il finira battu lors de la Saint-Patrick. Gary OIdman est son fils. Un impulsif, un inconscient. Il ne réagit qu'à l'instinct et reste rarement à jeun. Avec ses cheveux longs et sa dégaine de pouilleux, il n'en reste pas moins très sympathique. Cependant, victime de son impulsivité, il sera abattu sur ordre de son frère...

Armand Assante

Armand Assante : le survivant.

L'implacable Armand Assante (ahh, le génial "J'aurais ta peau") campe ici le dernier Parrain de la vieille école encore en vie (et en taule), John Gotty. Disponible uniquement en vidéo (c'est un téléfilm), la vie romancée de John Gotty est un tissu de mensonge pour l'afficionados de l'univers mafieux. Contrairement à ce qui est prétendu dans le film, il faut savoir que John Gotty était hyper violent, jaloux et particulièrement sévère avec ses proches. C'est d'ailleurs son lieutenant direct qui le balancera aux autorités.

THE END ?


Quand il s'agit de parler de la mafia, l'imagination des sc�naristes reste d�bordante, sans limite. Il existe encore moults anecdotes, histoires, biographies diverses � retracer. Tant de personnages r�els ou imaginaires � faire (re)naître. Les liaisons qu'entretiennent le cin�ma et la p�gre ne sont donc pas pr�t de s'�teindre. Tant mieux...

Arnaud Goblas

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